Ce n’est pas une révolution, juste une mue, lente et approfondie, à l’image de cette chaîne qui prétend, encore et toujours, « prendre le temps » de décrypter l’actu. C’est en tout cas le message qu’entendait promouvoir Marie-Eve Malouines, tout récemment bombardée à la tête de la Chaîne parlementaire (LCP), ce 1er octobre pour sa conférence de rentrée. Déjà considérée comme élitiste de par son sujet, LCP est confrontée au même défi que toutes les chaines de télévision, média vieillissant, doivent relever : comment attirer les jeunes qui, de plus en plus, se désintéressent du petit écran ou ne le consomment plus que sur leur tablette ou leur ordinateur ? Pour ce faire, la Chaîne parlementaire doit réaliser le grand écart entre la réactivité propre aux réseaux sociaux et le décryptage que tous dans la direction brandissent en étendard. A cette fin, un nouveau site web, porteur de cette ambition, doit d’ailleurs voir le jour dans le courant du mois.
Jean-Pierre Gratien présente le samedi à 17h l’émission « Où, quand, comment l’histoire » (Crédit : A.Faidy Autobus prod)
Déjà dans son ADN pratiquement depuis ses débuts, le « décryptage » et « l’approfondissement » promus par LCP franchissent donc à cette rentrée une nouvelle étape. Une façon de se démarquer un peu plus des chaines d’information en continu, lesquelles sont elles aussi en train d’emprunter le même chemin. Une évolution qui tient selon Marie-Eve Malouines, ancienne journaliste politique, à une lassitude et un nouveau traitement « nécessaire » de la politique. « Les postures politiques sont assez vite décryptées », lâche-t-elle dans un souffle. D’où la nécessité de parler du fond.
La nouvelle formule a déjà vu le jour il y a quelques semaines. Comme d’autres chaines, LCP dispose de sa matinale, avec cette particularité que l’invité ne s’y présente qu’à 9 h et se retrouve donc amené à réagir aux propos d’autres invités sur les plateaux des autres chaînes. Dans la grille de rentrée, sur l’antenne, quelques nouveautés, dont Parlement’air ou Droit de suite, qui se propose d’approfondir l’univers qui accompagne la thématique d’un documentaire. Gage d’implication : ces émissions sont toutes animées par des journalistes de la rédaction. Les valeurs sûres, comme Grand Ecran, qui permet à LCP de grimper jusqu’à atteindre les 1% de part d’audience, sont bien évidemment maintenues.Marie-Eve Malouines a été nommée présidente de la Chaîne parlementaire pour un mandat de trois ans à compter de juin 2015.
Résonance passé-présent
Cette année, à travers ses différents films et documentaires, la chaîne entend également mettre l’accent sur l’histoire et sur la façon – on le lit entre les lignes de la communication de la chaine – dont elle entre en résonance avec le présent. Ainsi « Devine qui vient dîner ? » fable hollywoodienne sur un couple mixte dans l’Amérique des années 60, censé faire écho à la montée du racisme dans les années 2000. Plus baroque : la programmation de « La Cage aux folles 3 », de Georges Lautner avec Michel Serrault. Le film, rappelle-t-on est sorti il y a 30 ans tout juste, à une époque, les années 80, où le mariage pour tous semblait inconcevable. L’occasion de revenir sur le bilan de cette loi quitte à faire le grand écart avec un plateau qui devra concilier les ennemis d’hier, entre Erwann Binet, rapporteur de la loi, Frigide Barjot, égérie de ses opposants, et Charles Dantzig, auteur d’une tribune contre les dérapages homophobes que le débat n’a pas manqué d’entraîner.
Il faudra encore voir Frédéric Mitterrand demander à Valéry Giscard d’Estaing dans un film au titre sibyllin « Sans rancoeur et sans retenue » : « Vous êtes le dernier président issu de la guerre. Est-ce que cela ne favorise pas un certain type de caractère qui fait défaut aujourd’hui ? ». Et l’ancien président, amant putatif de Lady Di, de répondre mi-amusé, mi-sincère : « Oui, certainement ». Non moins explicite, le titre d’un documentaire consacré à Najat Vallaud-Belkacem et subtilement baptisé « La discrète ambitieuse », dans lequel on pourra entendre le psychanalyste Gérard Miller dire de la jeune ministre, filmée en larmes, « qu’elle a toujours l’air de s’excuser d’être là » puis qu’il l’aimerait moins « si elle s’appelait Germaine ou Martine ».
A partir du 10 octobre, Raphäl Yem et Valérie Brochard présenteront « Flash Talk » sur LCP et France Ô. Crédit : Gilles Gustine.
Reste évidemment pendante la question, comme toujours, de l’argent. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, la dotation de La Chaine Parlementaire, qui se monte à 16 millions d’euros, n’a pas bougé depuis trois ans – une situation appelée à durer. Sans oublier que deux chaînes, une par assemblée, se partagent le canal 13 de la TNT : LCP et sa rivale Public Sénat. En coulisses, il se murmure que la fusion serait encore la meilleure des solutions. Une issue qui suscite l’opposition des actionnaires, au premier rang desquels les sénateurs, qui craignent une absorption de Public Sénat par sa concurrente. La stimulante émulation entre institutions parlementaires passe plus que jamais par les images !
(Photo de Une : Jean-Pierre Gratien présente le samedi à 17h l’émission « Où, quand, comment l’histoire » (Crédit : A.Faidy Autobus prod)