Certaines affirmations gardent en politique leur valeur proverbiale tant que le temps ne s’est pas chargé d’apporter la preuve d’une vérité contraire à leur énoncé. On entend par exemple souvent répéter qu’un chef de l’Etat qui n’a pas été reélu à la fin de son premier mandat ne pourra plus jamais l’être par la suite. Mais d’où sort donc cette loi ? Peut-être de la mémoire de giscardiens déçus, obligés de consteter que leur champion, qui avait pourtant entrepris de recommencer une carrière à partir du simple fauteuil de conseiller général du Puy-de-Dôme n’avait jamais pu retrouver les ultimes marches du podium républicain.. Plus sûrement, l’allégation sort sans doute du même fatras d’idées reçues dans lequel certains puisaient, notamment avant 1995, pour déclarer de façon péremptoire que « nul ne peut achever deux septennats ». Plus mort que vif, à bout de forces, le tenace François Mitterrand les a fait mentir, en mettant une sorte de point d’honneur à démontrer, sans ristourner un seul jour d’exercice présidentiel à ses détracteurs ,que le destin se riait parfois des préceptes inventés.
Un jour ou l’autre, un ancien président encore en état d’inspirer confiance bénéficiera d’un contexte lui ouvrant une nouvelle fois le chemin de l’Elysée à condition bien sûr que l’ancien hôtel de Mme de Pompadour soit encore le siège de la magistrature suprême. Mais, bien sûr, un tel événement ne semble pas pour tout de suite. Aucune étude d’opinion n’indique que les citoyens de notre pays veulent proposer un contrat d’embauche à l’un de ces deux désoeuvrés de luxe, qu’il s’appelle Sarkozy ou se nomme Hollande. Mais on ne saurait toutefois avancer que, pour l’un comme pour l’autre, l’hypothèse d’une tentative de retour constitue une simple vue de l’esprit. S’il en est ainsi, c’est parce qu’ils ont écrit des livres « post-présidentiels » plutôt bien accueillis par le public qui lit.
Le dernier en date de ces ouvrages de ces retraités un peu particuliers est celui de Nicolas Sarkozy ( « Passions », éditions de L’Observatoire).  il se lit bien car il fourmille de ces portraits vachards qui sont autant de remèdes contre l’ennui. Sous la plume de l’ex-président, les véritables confidences sont plus rares que les rosseries. Si l’on n’apprend pas grand chose pour le moment des coulisses de son quinquennat – un tome deux est prévu – on saura tout en revanche sur ce qu’il pense de François Hollande, égratigné à plusieurs reprises, de son ex-épouse Cécilia – on se croirait dans « La femme du boulanger » de Marcel Pagnol ! – de Jacques Chirac l’implacable ou du flamboyant de Villepin qu’il voulait « pendre à un croc de boucher », dessein auquel il semble à peine  avoir abandonné. Dénoncé pour avoir demandé à l’Elysée une accélération des poursuites judiciaires menées contre lui, François Fillon fait l’objet d’un traitement de choix puisque dépeint comme dissimulateur, cassant et rancunier. C’est fou ce que ces deux-là s’aiment. Tout à son règlement de compte, l’ancien président oublie au passage qu’il fut le premier employeur pendant cinq ans d’un ancien premier ministre dont aucune particularité de caractère – vis à vis de l’argent notamment – n’aurait jamais piqué sa curiosité. C’est assez bizarre. Mais la partie « amère » de l’ouvrage ne doit pas faire oublier le reste du propos qui témoigne de l’incomparable expérience acquise dans l’exercice du pouvoir. Qu’il s’agisse des retraites et de la fiscalité, de défense ou de politique étrangère, on sent que l’homme a appris à voir clair, à cultiver sa propre lucidité face aux explications toutes faites de l’appareil technocratique. Beaucoup de constats sur la société d’aujourd’hui expriment un tardif mais véritable bon sens.
De là l’utilité de cette carte postale estivale sous forme de livre de plage (pour amateurs tout de même). Elle ne sert pas seulement à obtenir une couverture conjugale de « Paris-Match ». C’est une façon d’entretenir le lien psychologique entre les Français et leurs dirigeants passés ou à venir. Quel drôle de système, tout de même, que notre institution présidentielle.