Alors que de nombreuses personnalités réclamaient une réforme de la Chambre haute, quand ce n’était pas sa suppression, pensez-vous que la nouvelle série de mesures en vigueur permettra de préserver l’image du Sénat et d’apaiser ses pourfendeurs ?
Le Sénat est aujourd’hui critiqué comme le sont, malheureusement, toutes les institutions politiques. Son existence est régulièrement mise en cause par quelques députés mais jamais la qualité de ses travaux n’a été autant soulignée. En effet, si beaucoup de nos concitoyens connaissent encore mal son fonctionnement, il est prouvé, d’après les sondages, qu’ils lui font confiance pour améliorer les textes de loi. A nous de mieux faire connaître au grand public notre institution afin de corriger, auprès de certains, cette image injustement construite, notamment en communiquant sur les travaux qui s’y déroulent. C’est même tout l’objet de la dernière réforme.
Plus largement, je suis profondément favorable au bicamérisme : les pays qui n’ont pas adopté ce mode de fonctionnement pour leur Parlement y viennent d’ailleurs progressivement, la complémentarité des deux assemblées, élues différemment, permettant d’allier réactivité et réflexion.
Le rapport Bartolone-Winock, présenté au début du mois d’octobre, propose de fusionner Cese et Sénat : s’agit-il, d’après vous, d’une nouvelle forme de « Sénat bashing » ?
Trouvez-vous normal que cette commission fasse des propositions sur le Sénat alors qu’elle ne compte en son sein qu’un seul sénateur pour douze députés ? Imaginez une seconde que nous procédions de la même manière vis-à-vis de l’Assemblée nationale. C’est tout de même étonnant ! Réfléchir sur l’évolution de nos institutions, pourquoi pas ? Mais pour cela il serait nécessaire que tous les acteurs soient associés à cette réflexion.
Pour la première fois de son histoire, le Sénat compte trois femmes, dont vous-même, parmi les huit vice-présidents chargés d’assister son président, Gérard Larcher : pensez-vous que l’institution gagnerait à être davantage « féminisée » dans son ensemble, notamment dans l’image qu’elle renverrait ?
Le collège électoral est beaucoup plus féminin que masculin en France, à hauteur de 53%, et il va de soi que les deux assemblées doivent refléter au mieux la réalité de notre société. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à s’engager dans la vie politique, à prendre des responsabilités, et croyez-moi, d’ici peu de temps, la parité se fera naturellement.
Les bancs du Sénat sont-ils plus remplis, d’après vos observations, depuis la mise en vigueur des sanctions financières contre les absents ?
Il est encore trop tôt pour établir un vrai constat. D’ailleurs, je préfère parler d’incitation plutôt que de sanctions financières. S’il est vrai que l’hémicycle est parfois clairsemé, il faut savoir que le travail des sénateurs se fait principalement en commission. C’est pourquoi, en tant que vice-présidente chargée de la communication, je souhaite valoriser cet aspect, notamment en équipant les salles de commission afin de pouvoir filmer les auditions et les débats les plus importants. Et je peux vous assurer que la qualité et l’intérêt des nombreuses auditions organisées au Sénat contribueront au débat public !
Si la publication des activités de chaque sénateur en ligne permet de valoriser le travail des élus plutôt que de souligner leurs absences, comment, d’après vous, inciter le grand public à s’intéresser davantage aux travaux de la Chambre haute ?
En exploitant systématiquement les moyens technologiques dont nous disposons comme le site internet du Sénat ou la chaîne « Public Sénat », pour mettre en avant tout ce que notre institution apporte au niveau législatif, et en valorisant le travail en commission. Nos concitoyens ne doivent pas s’arrêter à l’image d’un hémicycle parfois peu rempli sachant que le cœur de notre activité se déroule ailleurs.
À ce titre, je pense que l’idée d’organiser les questions au gouvernement toutes les semaines est très pertinente, tant d’un point de vue politique que citoyen. Le droit de réponse dont disposent désormais les sénateurs assurera des échanges plus vivants, incitant le téléspectateur à s’intéresser davantage aux débats.
Alors que le Sénat a durci le projet de loi immigration, les associations de défense des droits des étrangers dénoncent une forme de « surenchère ». Au vu de l’actualité récente, pensez-vous que la France doit réinventer sa politique d’hospitalité ?
Je suis favorable à l’accueil de ceux qui choisissent l’exil parce que leur vie est en danger, à condition qu’il puisse se faire dans de bonnes conditions. S’il s’agit de recevoir des personnes sans leur donner les moyens de s’intégrer, que ce soit en matière de logement, de travail, d’apprentissage de la langue ou de scolarité, il vaut mieux s’abstenir. Car on ne fera que rendre ces migrants malheureux en déstabilisant leur entourage ou les villes qui les recevront.
J’ai d’ailleurs, en 2010, rédigé un rapport sur les mineurs isolés étrangers en France, rapport qui a été favorablement accueilli par les associations comme par les personnalités politiques de tous bords. De l’entrée sur le territoire à la prise en charge au long cours, j’ai formulé un certain nombre de propositions pour répondre à ce phénomène migratoire, relevant déjà à cette époque le désengagement de l’Etat. Nous constatons que ce sujet est plus que jamais d’actualité et que l’Etat n’assume toujours pas suffisamment ses responsabilités, laissant aux collectivités territoriales la charge très lourde de ses mineurs isolés étrangers.
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