Alors que la dématérialisation devient la norme, la fracture numérique n’a de cesse d’exclure certains publics de la possibilité d’effectuer leurs démarches en ligne correctement. Un rapport sénatorial évoque même une « déshumanisation » à l’heure où de nombreux Français ont encore besoin de contact réel pour se faire guider.
Si 82 % du total des démarches administratives sont désormais réalisées en ligne chaque année, l’exclusion numérique n’est pas pour autant « en voie de régression » comme l’explique la rapporteuse Nadège Havet, membre du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), à l’initiative de la mission d’information. Face à ce constat, le rapport du Sénat rappelle l’importance de continuer de proposer aux usagers différents moyens d’accès aux services publics.
« En raison de leur âge, de leur handicap ou d’un équipement défaillant », les personnes les plus éloignées se retrouvent encore dans l’incapacité de réaliser leurs démarches, à en croire les élus. Ce serait même l’un des écueils du « tout-numérique », un modèle devenu dominant mais pourtant loin de faire l’unanimité.
En effet, selon les chiffres de l’édition 2025 du baromètre du numérique, presque un Français sur deux (44 %) rencontrerait des difficultés dans la réalisation de démarches en ligne. Et ce ne serait pas uniquement une question de génération, puisque « près du quart des jeunes adultes de 18-24 ans, pourtant nés avec le numérique, ont ‘peur de se tromper’ en effectuant ces démarches. » Autant de raisons qui amènent les sénateurs à vouloir « étendre le droit à l’erreur » tout en renforçant les dispositifs d’accompagnement des administrés. Accompagnement qui était autrefois assuré par des structures aujourd’hui fermées en zone rurale.
Le recours au téléphone, lui aussi, reste « une nécessité pour les usagers qui ne ‘rentrent pas dans les cases’ des formulaires en ligne » et pour lesquels « un contact humain reste indispensable pour contourner les obstacles de menus déroulants, qui ne sont pas conçus pour les cas complexes ». Surtout quand on sait le nombre de pratiques commerciales trompeuses proposant de prendre en charge un service normalement gratuit.
Si l’on désigne souvent par « illectronisme » cette difficulté d’accès à l’outil numérique, nul doute qu’il représente pour les décennies à venir un défi analogue à ce qu’ont été autrefois l’analphabétisme ou l’illettrisme.