L’ancien président de la République et l’ancien président de la Commission de Bruxelles se rejoignent sur le diagnostic : le temps d’une « règle commune » est venu.
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Un prix c’est bien, désarmer les critiques serait mieux. Si l’Europe vient d’obtenir un Nobel pour avoir pacifié ses frontières, le maintien de la paix ne suffit plus à entretenir les liens qui unissaient les pays membres autrefois. En pleine crise de la cinquantaine, la recherche d’un nouveau moteur communautaire s’impose comme un impératif existentiel.
« La survie ou le déclin » : selon Jacques Delors, c’est le maigre choix qui serait resté aux pays européens si l’Union n’avait pas tenu le coup de la crise financière que l’on connait aujourd’hui. Alors que la conjoncture internationale ne semble toujours pas favorable au redressement des États et que l’austérité s’enracine, le pire reste-t-il encore à venir sur le continent ?
À en croire le huitième président de la Commission européenne, la claque aurait été bien plus douloureuse si les pays n’avaient pas formé un seul et même bloc communautaire. Et pour cause, le territoire se serait « retrouvé avec plus d’une vingtaine de monnaies en dévaluation permanente », prisonnier d’une situation pire encore qu’une Europe à 27, « ingouvernable » selon ses propres mots.
Le contrecoup des folies
Tordant le cou à l’idée que la récession actuelle découle de l’euro, le vingtième président de la République Valéry Giscard d’Estaing parle plutôt d’« une spéculation organisée ». « Comment peut-on parler de la crise de l’euro si la monnaie est stable et même supérieure à son cours d’introduction en 1999? Les vrais « coupables » sont en réalité certains États-membres qui se sont lancés pendant des années dans des politiques financières irresponsables sous le rempart d’une identité économique très forte ». Plutôt que d’austérité, il préfère parler de « retour à la norme », inévitable dans un contexte où les dépenses ont depuis longtemps franchi les limites du raisonnable. Le nœud du problème étant seulement que cette remise en forme coïncide avec la dépression économique mondiale et nécessite donc davantage d’expertise.
Pour Jacques Delors, « l’Europe a surtout sous-estimé les devoirs que la monnaie unique impliquait à ceux qui l’utilisent », car «si la crise est venue des États-Unis, elle a révélé les faiblesses de notre gestion budgétaire ». La sortie, quant à elle, se ferait donc non pas à coups de mesures punitives mais par l’harmonisation de la fiscalité et particulièrement celle des entreprises. C’est précisément sur ce point que se rejoignent l’homme des « coups d’audace » (VGE) et le partisan des « petits pas » (Delors) : stopper la désindustrialisation de l’UE et l’orienter vers la recherche, adoptant un système qui imposerait les décisions aux États-membres en prévoyant plusieurs transferts de souveraineté. Fervent europhile, l’ancien président de la République n’en demeure pas moins réaliste quant à l’avenir du continent. « L’Europe ne vit pas une crise économique, mais une crise de l’esprit. Comme Robert Schuman l’avait fait de son temps avec le charbon et l’acier, il faut prendre une initiative déterminante et pertinente, celle d’une nouvelle communauté monétaire, budgétaire et fiscale dont les aspects seront gérés sur le modèle fédéral. »
Le fédéralisme, l’unique réponse à l’attentisme ?
Même monnaie, même discipline et mêmes impôts. Une seule règle en somme. Plus contraignante, cette solution ne sera cependant suivie par les États qu’à condition de stimuler l’innovation en des temps de rigueur prolongée. Comme l’euro a su accomplir – involontairement – l’union politique là où la Communauté européenne de défense (CED) avait échoué, rien ne vaut un nouvel idéal pour relancer la dopamine solidaire… sans tomber dans les excès d’autrefois. À la lumière d’un nouvel élargissement, l’Europe finirait par ressembler à une association de pays au statut tout aussi vague. Autrement dit, le fameux « nain politique » qu’elle a toujours redouté d’être.