Quand les villages français ne manquaient ni d’habitants, ni de médecins ni de quincaillers, on voyait souvent des boutiques affichant pour enseigne « De tout un peu ». C’était une raison sociale explicite. Dans ces bazars, on pouvait acheter aussi bien des bougies que des clous au poids ou du tuyau en caoutchouc vendu au mètre. Emmanuel Macron semble, sans doute inconsciemment, vouloir ressusciter le métier de détaillant en politique. Il présente avec art beaucoup de produits politiques susceptibles d’exister mais, comme les temps sont durs et les vitrines fragiles, il n’y a en réalitépas grand chose sur les étagères. Comment pourrait-il faire autrement alors que le peu qu’il propose va déjàcoûter des milliards au budget en déficit d’un Etat endetté? L’effort n’en est pas moins méritoire par la variété des solutions imaginées et surtout décortiquées.
La conférence de presse du 25 avril restera donc dans les mémoires comme un subtil condenséde compassion devant la colère et de parcimonie apparente dans les moyens déployés pour l’apaiser. Combien, parmi les mesures envisagées seront susceptibles d’entrer dans la réalité? On verra bien. Qu’il s’agisse d’indexer les retraites sur l’inflation, de diminuer les impôts, de donner du pouvoir d’achat sans augmenter les salaires – via la prime pour l’emploi – ou de supprimer les « organismes inutiles », le chef de l’Etat s’est déclaréennemi des solutions précipitées. Il souhaite aussi laisser du pain sur la planche du Premier ministre et des membres du gouvernement. Accessoirement, cela leur permettra d’assumer une part du fardeau de l’impopularitéque le Président, cible àpeu près unique des slogans vus et entendus sur les ronds-points, doit porter seul depuis le début de la crise des gilets jaunes.
Notre jeune chef de l’Etat n’en garde pas moins une grande confiance dans la méthode consistant àcouper les cheveux en quatre au moyen d’une dialectique subtile parsemée de termes rares et précieux. Peu de chefs d’Etatàla surface du globe se risqueraient àparler« d’ordalie »(le jugement de Dieu), par exemple, devant des journalistes. Mais les premiers acquis de l’expérience de la magistrature suprême le conduisent aussi àéviter désormais de se présenter en sauveur patenté. Ainsi le pire aura étéévité. Il n’y aura pas eu d’annonce démagogique. La réforme de l’Ena, celle des grands corps ( bon courage !) et des institutions ( proportionnelle et diminution du nombre des élus, recours facilitéau référendum, etc…) restent envisagées mais sans « ordre du jour prioritaire »comme on dit àl’Assemblée nationale. Au total, la surprise fut qu’il n’y a pas eu de coup de théâtre ! Tant mieux.
Des présidents de la Vèmeon a souvent dit qu’ils étaient les héritiers des rois thaumaturges de notre Histoire, considérés comme des guérisseurs et des magiciens. Mais la part du rêve s’estompant avec la peur du futur, la magie semble aujourd’hui se réduire àla prestidigitation. Il y faut encore du savoir-faire mais la répétition des tours séduit de façon momentanée sans susciter de fascination durable. Emmanuel Macron, comme ses plus récents prédécesseurs, préside aux destinées d’un pays désenchantédont le peuple n’est plus enclin àl’admiration facile. Tout reste, de plus, affaire d’appréciation. Il y aura toujours des gens pour voir de l’hypocrisie dans ce que d’autres considèrent comme la fin du fin de l’habileté politique.
Crédit de l’image à la Une : JBV News.