Lors de sa prise de parole devant députés et sénateurs réunis à cet effet en Congrès au château de Versailles, le Président de la République a évoqué un certain nombre de réformes des institutions. La plupart concernent le Parlement.
C’était un après-midi un peu hors du temps. Députés et sénateurs, arrivés quelques instant plus tôt en car, prenaient possession des lieux chargés d’histoire à grands renforts de photos. Il faut dire que le château de Versailles vide, cela n’arrive pas tous les jours. Le parc et le canal à perte de vue. Arrivée royale pour les représentants de la République française. La scène avait encore un goût de rentrée scolaire, les uns et les autres découvrant les lieux et les usages, à l’image du secrétaire d’État Benjamin Griveaux qui, à sa sortie de voiture, oubliait de saluer le préfet pourtant posté au garde à vous devant lui. La salle de Congrès, construite en même temps que la IIIè République, et vide depuis novembre 2015, se remplissait peu à peu. Puis il arriva enfin tel Jupiter, méritant pour l’occasion le surnom parfois donné à Louis XIV, notamment par le mémorialiste Saint-Simon.. Traversant la haie d’honneur formée par les gardes républicains, Emmanuel Macron allait prononcer son premier grand discours depuis son élection quasiment deux mois auparavant.
Un discours fondateur, promettait-on, qui allait donner le cap du quinquennat. L’homme dont les collaborateurs aiment souligner « la pensée complexe » déroula en effet pendant une heure et demi ses grandes priorités pour la France, « pays qui ne se réforme pas ». Lyrique par moments, ayant parfois un côté Jean Ferrat dans Ma France, les moustaches en moins, le Président de la République insista dans son adresse aux parlementaires sur les institutions qu’il entendait réformer. Et en premier chef, le Parlement lui-même.
Efficacité, représentativité, responsabilité
« Il n’y a pas de République forte sans institutions puissantes. » Avant de dérouler la liste des réformes envisagées, le Président livrait sa vision des institutions qui « sont ce que les hommes en font. » Trop longtemps malmenées, « leur esprit [s’étant] abîmé », elles doivent selon lui être guidées par trois principes : l’efficacité, la représentativité et la responsabilité.
L’efficacité tout d’abord, qui impose une certaine rationalisation des activités du Parlement. Emmanuel Macron entend mettre un terme à la prolifération législative qui affaiblit selon lui la loi. « J’y ai participé », reconnaît-il lucidement. Pour le chef de l’État, la fabrique de la loi doit accompagner le début d’un mandat, et être moins présente après. Le contrôle et l’évaluation réalisés par le Parlement doivent alors prendre le relais. Par ailleurs, le Président a annoncé lors de ce discours vouloir procéder à une évaluation complète de tous les textes importants, et ce dans un délai de deux ans, même pour les anciennes lois, pour éventuellement en abroger certains qui seraient inutiles.
Autre chantier visant une meilleure efficacité, le temps d’élaboration des lois. « Notre temps est trop lent », indique le chef de l’État, en comparaison avec le temps accéléré des médias et de la politique actuelle. Pour éviter que certaines lois mettent plus d’un an à voir le jour, Emmanuel Macron a évoqué l’idée d’une navette simplifiée, qui limiterait le nombre de lecture à une dans chaque chambre. Allant plus loin, le successeur de François Hollande a même proposé de « voter la li en commission ». Enfin, la mesure phare concernant la rationalisation du Parlement est bien la réduction d’un tiers du nombre de membres « dans les trois assemblées constitutionnelles » (Assemblée nationale, Sénat, CESE). Ainsi on passerait de 577 à environ 400 députés, de 348 à environ 230 sénateurs, et de 233 à environ 150 membres du CESE. Cette réduction drastique du nombre de parlementaire doit permettre de leur confier « plus de moyens et plus de poids ».
La volonté présidentielle est ici clairement d’accélérer et de rationaliser le travail parlementaire, pour en obtenir un meilleur rendement. Les logiques entrepreneuriales ne sont jamais très loin avec Emmanuel Macron. Et pour faire de bons retours d’expérience et fixer objectifs et autres feuilles de route, le Président a annoncé que le discours au Congrès serait annuel sous son mandat.
Renouvellement des pratiques
S’adressant aux 900 parlementaires dont quasiment la moitié le sont depuis moins d’un mois, Emmanuel Macron n’est pas peu fier de sa démarche de renouvellement des visages. « Nous avons fait entrer ici la grande diversité », énonça-t-il devant les représentants de la Nation. Affirmant son attachement au pluralisme et au respect des oppositions, qui jusque là avaient été traitées de manière peu cavalière à l’Assemblée, le Président de la République fixait une exigence de représentativité. Il a ainsi confirmé que le cumul des mandats dans le temps (au-delà de trois mandats successifs) serait interdit, en plus du non-cumul des mandats à un instant t déjà en vigueur. Puis, reprenant une promesse de campagne, il annonçait qu’une « dose de proportionnelle » serait prise en compte pour les élections législatives. Par ailleurs, le droit de pétition devrait être enrichi, et celles-ci devraient pouvoir être présentées plus facilement au Parlement. Par ces mesures, le Président de la République entend donner plus de représentativité au Parlement et le rapprocher de la population.
Enfin, dans une logique de responsabilité, le Président entend aller vite et faire passer toutes ces réformes avant un an, si possible à l’automne 2017. Le recours au référendum n’est pas exclu, si la majorité requise au Congrès n’est pas garantie. D’autres mesures, comme la suppression de la Cour de Justice de la République, le renforcement du Conseil Supérieur de la Magistrature, ou encore des expérimentations locales quand à l’organisation territoriale ont été annoncées lors de ce discours de Versailles.
Avec l’extraordinaire renouvellement des 11 et 18 juin derniers à l’Assemblée, le non-cumul des mandats, qui va conduire nombre de parlementaires à quitter leur mandat national, et toutes ces nouveautés annoncées par le Président, en plus des mesures comprises dans les deux lois de moralisation de la vie publique, une chose est certaine : le Parlement, à l’instar de la vie politique française, entre vraiment dans une nouvelle ère.
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