Votée le 11 février 2005, la loi Handicap a 20 ans ! Où en sont, deux décennies plus tard, les politiques publiques en matière d’autonomie et d’accessibilité ? La rédaction fait le point avec Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’Autonomie et du Handicap.
- A combien évalue-t-on en France les personnes en situation de handicap et de perte d’autonomie ?
Les réalités du handicap et de la perte d’autonomie sont multiples et complexes, et il est délicat de les réduire à un simple chiffre. La Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) publie chaque année un document intitulé Le handicap en chiffres, qui montre bien la diversité des situations et la difficulté à établir une estimation unique.
En ce qui concerne les personnes âgées, souvent assimilées – à tort de façon exclusive – à la perte d’autonomie, la France comptait au 1er janvier 2024 environ 14,7 millions de personnes âgées de 65 ans et plus, soit 22 % de la population, selon l’INSEE. Mais cela ne recouvre évidemment pas l’ensemble des réalités liées à la dépendance ou au handicap.
C’est pourquoi nous privilégions aujourd’hui une approche fondée sur les besoins concrets des personnes, au-delà des catégories statistiques classiques.
- Par quels types de catégories se répartissent-elles ?
Là encore, il convient d’adopter une approche prudente. Il n’existe pas de typologie unique du handicap, tant les situations vécues peuvent différer. Le handicap peut être moteur, sensoriel, mental, psychique, cognitif ou lié à des troubles du neurodéveloppement. Il peut aussi évoluer au fil du temps ou être invisible.
La loi de 2005 a justement introduit une définition large et inclusive du handicap, qui intègre toutes les limitations d’activités ou restrictions de participation à la vie sociale.
C’est cette vision globale qui guide aujourd’hui l’action publique.
« Le nombre d’élèves et étudiants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a doublé.»
Quels sont les principaux partenaires de l’Etat dans ses politiques publiques en faveur du Handicap ?
Notre politique est résolument interministérielle : de nombreux ministères participent à sa mise en œuvre (Éducation nationale, Travail, Santé, Culture, Logement, etc.), tout comme des délégations interministérielles telles que la DI-TND (Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement) ou la DIA (Délégation interministérielle à l’accessibilité).
La politique du handicap repose sur une coopération étroite avec de nombreux acteurs. Les collectivités territoriales, les associations représentatives des personnes en situation de handicap, les acteurs du médico-social et du sanitaire, les professionnels de santé et de l’accompagnement, mais aussi des organismes comme l’Agefiph, le Fiphfp, France Travail, ou encore l’ANCV, sont des partenaires essentiels. Nous travaillons également avec les entreprises, les établissements d’enseignement, les opérateurs publics comme la SNCF ou Atout France, et même avec des jeunes en service civique, engagés comme ambassadeurs de l’accessibilité. C’est cet écosystème collectif qui rend possible la transformation de notre société vers davantage d’inclusion.
- Pouvez-vous résumer les progrès réalisés ces 20 dernières années en leur faveur avec notamment la loi handicap en date de 2005 ?
La loi du 11 février 2005 a été fondatrice : elle a posé le principe du droit à compensation, affirmé l’égalité des droits et des chances, et fixé des objectifs ambitieux en matière d’accessibilité. Depuis, les progrès sont nombreux.
Aujourd’hui, l’accessibilité progresse partout : dans les transports, les établissements recevant du public, les espaces numériques, mais aussi dans le champ culturel et touristique.
Le nombre d’élèves et étudiants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a doublé, des accompagnements renforcés sont déployés à l’école comme à l’université.
Le marché du travail évolue lui aussi, avec un développement de l’emploi accompagné, des plateformes de prêt de matériel et la volonté affirmée de mettre fin aux emplois dits « inaccessibles ».
Il s’agit aussi de favoriser la convergence des droits des travailleurs en situation de handicap avec ceux de l’ensemble des salariés, en accompagnant à la fois les personnes et les employeurs.
Enfin, des mesures fortes ont été prises en matière de santé : à partir de décembre 2025, tous les fauteuils roulants – y compris les modèles sportifs – seront remboursés à 100 %.

- Pouvez-vous notamment détailler les points suivants :
- les progrès en matière d’accessibilité
Nous avons enclenché un véritable choc d’accessibilité universelle.
Tous les établissements recevant du public doivent désormais être accessibles, sans possibilité de nouvelle dérogation. Un fonds dédié peut financer jusqu’à 50 % des travaux dans les établissements de proximité.
Dans les transports, plus de 75 % des gares sont accessibles, et les gares prioritaires seront mises en accessibilité d’ici fin 2027.
Côté numérique, 250 démarches de l’État seront rendues accessibles d’ici fin 2025, et une solution universelle de téléphonie accessible – la SATU – sera déployée.
Nous agissons également pour rendre la culture, le sport, le logement et même la nature accessibles à toutes et tous. C’est une politique transversale, et chaque ministère y contribue.
- l’accès au marché du travail
Nous avons enregistré des progrès significatifs. Le taux de chômage des travailleurs handicapés est passé de 19 % à 12 % entre 2017 et 2024.
L’objectif est clair : aucun métier ne doit être inaccessible à une personne en situation de handicap. Pour cela, nous allons supprimer les critères d’inaccessibilité (ECAP), nous généralisons l’emploi accompagné, et développons des plateformes de prêt de matériel adaptées aux besoins professionnels.
En 2025, nous lançons aussi les premiers SAMSAH emploi, pour permettre aux personnes autistes avec trouble du développement intellectuel d’accéder à un emploi en milieu ordinaire, avec un accompagnement renforcé.
La France est d’ailleurs le premier et seul pays européen à proposer des contrats à durée indéterminée à des personnes autistes sévères, dans le cadre de ces dispositifs innovants. C’est une avancée sociale majeure, qui montre que l’inclusion professionnelle n’est pas une utopie mais une réalité que nous construisons pas à pas.
La France est d’ailleurs le premier et seul pays européen à proposer des contrats à durée indéterminée avec un logement à des personnes autistes sévères, dans le cadre de ces dispositifs innovants. C’est une avancée sociale majeure, qui montre que l’inclusion professionnelle n’est pas une utopie mais une réalité que nous construisons pas à pas.
- le remboursement des soins et frais inhérents au handicap
C’est une avancée historique : à compter de décembre 2025, tous les fauteuils roulants seront pris en charge à 100 %, y compris les fauteuils de sport.
Nous avons également généralisé les consultations « HandiGynéco » sur tout le territoire. Ces consultations longues et adaptées répondent aux besoins spécifiques des femmes en situation de handicap, en matière de santé gynécologique et sexuelle.
L’accès à la santé est une priorité, et nous continuerons à simplifier les parcours, améliorer la prévention et adapter les formations des professionnels de santé. C’est pourquoi avec mes collègues Catherine Vautrin et Yannick Neuder, nous lancerons dans les prochains jours une mission permettant de faire un état des lieux et des propositions à 360° sur l’accès aux soins et la prévention pour les personnes en situation de handicap permettant de fournir des propositions concrètes en vue du prochain comité interministériel du handicap (CIH) dédié à la santé et la transformation de l’offre médico-sociale.
- Quelles ont été et sont les sources de financement de ces politiques ?
Nos politiques bénéficient de financements structurels et ambitieux.
Le plan 50 000 solutions d’accompagnement est doté de 1,5 milliard d’euros d’ici 2030. Plus globalement le budget dédié aux politiques de l’autonomie à travers la 5ème branche de sécurité sociale est fixé à près de 42 milliards d’euros pour 2025. Ces 42 milliards s’ajoutent aux autres financements associés aux budgets à la main de l’Etat, des collectivités.
Le fonds territorial d’accessibilité (FTA), les dotations d’équipement des territoires ruraux, les crédits alloués à MaPrimAdapt (2OO M€2025), ou encore le fonds de soutien à la transformation de l’offre (250 millions d’euros), sont autant de leviers mobilisés.
À cela s’ajoutent les investissements des opérateurs publics, des collectivités territoriales, et le soutien de l’ANAH, de la Banque des territoires, de France Travail, de l’Agefiph ou du Fiphfp.
« Le taux de chômage des travailleurs handicapés est passé de 19 % à 12 % entre 2017 et 2024.»
- Plus généralement, quels sont selon vous les éléments marquants de l’évolution du regard de la société sur le Handicap ?
Le regard change. Il y a encore du chemin à faire, mais les mentalités évoluent.
Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ont été un tournant. Ils ont montré que la performance, l’excellence, la visibilité ne sont pas réservées à certains.
Au-delà de l’événement sportif, ils laissent un héritage sociétal durable en matière de visibilité, d’accessibilité et de changement de regard sur le handicap.
Le sport, la culture, l’école, les médias, le numérique – tous ces leviers contribuent à faire tomber les stéréotypes. Nous avançons vers une société qui ne voit plus le handicap comme une faiblesse, mais comme une dimension de la diversité humaine. C’est un changement profond, et porteur d’avenir.
- Enfin quels sont les nouveaux horizons que se fixent les politiques publiques menées en la matière par le Ministère où vous venez d’être reconduite ?
Nous allons continuer, avec l’ensemble des acteurs, à développer les « 50 000 » solutions sur tout le territoire hexagonal et dans l’ensemble des outre-mer, avec l’objectif d’avoir 15 000 places nouvelles d’ici la fin de l’année. En parallèle nous travaillons activement sur la transformation de l’offre médico-sociale afin d’apporter des réponses individualisées et de permettre des parcours sans coutures pour les enfants comme les adultes.
Dans les prochains mois, je souhaite que nous puissions avancer sur la question des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson et Sclérose en plaque). Plus d’un million et demi de nos concitoyens sont aujourd’hui victimes de ces maladies évolutives conduisant à des handicaps sévères et une perte d’autonomie progressive. Je ferai des propositions très concertes pour les annés 2025-2030 ; le gouvernement entend apporter des réponses à tous les niveaux : prévention, accès aux soins, recherche, formation, information, destigmatisation …