Vous êtes à l’origine d’une proposition de loi visant à généraliser l’impression des tickets de caisse à la demande dans les surfaces de vente à compter du 1er janvier 2020. Pourquoi ce dispositif n’existe-t-il pas encore en France contrairement à d’autres pays européens, alors même que l’Hexagone s’est distingué ces dernières années par le choix de politiques environnementales innovantes ?
Tout d’abord car je crois que la France, à la différence de ses voisins européens, particulièrement ceux du nord de l’Europe, n’a pas su développer la culture de l’écologie du quotidien. Si le gouvernement a cette vision et légifère en ce sens, il convient de relever que ceux en place jusqu’alors n’ont répondu à l’urgence écologique que de manière souvent partielle et dogmatique au moyen de dispositifs dont les Françaises et Français pouvaient difficilement s’approprier et que touchaient rarement leur quotidien.
Votre proposition vise à répondre à un double objectif, à la fois environnemental et sanitaire. Pourriez-vous en dire plus ?
Cette proposition a un enjeu environnemental que chacune et chacun peut facilement appréhender, notamment quand on voit les réactions des consommateurs en caisse ou la manière dont celles-ci sont systématiquement encombrées de tickets de caisse non voulus. Le second enjeu porté par cette proposition de loi est sanitaire, de santé publique, eu égard à la composition des papiers thermiques qui comprennent encore du bisphénol, particulièrement du F et du S. Ce second aspect moins évident n’en est pas moins essentiel lorsque l’on voit l’impact que les perturbateurs ont sur les vies humaines mais également sur l’environnement.
La France n’a pas su développer la culture de l’écologie du quotidien.
Si le bisphénol A a été remplacé par ses homologues F et S sur les tickets de caisse, ces derniers se sont avérés eux aussi des perturbateurs endocriniens dont l’innocuité hormonale n’a pas été garantie. Comment expliquer qu’ils soient encore utilisés ?
Les études afférentes aux bisphénols sont rares car difficiles à mettre en œuvre. Il faut en effet du temps et un échantillon suffisamment large pour s’assurer de l’imprégnation d’une population et surtout des risques que celle-ci engendre. La dernière étude publiée confirme celles que j’ai pu moi-même consulter et rappelle l’urgence d’agir. Les études demeurent toutefois peu nombreuses. Il s’agit là d’un des éléments de nature à expliquer que peu de mesures ont en l’état été prises s’agissant du bisphénols F et S. Il y a aussi un aspect économique qui, comme vous l’imaginez, est propice à une certaine inertie.
Quel accueil vos collègues députés ont-ils réservé à votre proposition ?
J’ai eu un accueil particulièrement enthousiaste des député.es de mon groupe que je remercie de leur soutien unanime mais également, et je tiens à le dire, de député.es qui n’appartiennent pas à ma famille politique. Je nous crois assez à même de dépasser nos clivages politiques sur des sujets aussi essentiels et des dispositifs, comme celui que je promeus, de pur bon sens.
L’idée de cette proposition est avant tout de développer un nouveau réflexe, de créer un nouveau geste.
Le nouveau dispositif serait appliqué selon un calendrier précis. Aux transactions d’un montant inférieur à 10 euros à compter de février 2020, puis à 20 euros en janvier 2021 et à terme au seuil de 30 euros au 1er janvier 2022. Est-il vraiment nécessaire d’étaler à ce point les échéances ?
L’idée de cette proposition est avant tout de développer un nouveau réflexe, de créer un nouveau geste (celui de faire la demande de son ticket de caisse lorsqu’on le désire)… en somme de pallier ce déficit de culture de l’écologie du quotidien qui manque à notre pays. Afin de ne brusquer personne et que la diversité des acteurs que cela affecte puisse raisonnablement considérer ce dispositif comme une amorce à une évolution qui est inéluctable et non comme une contrainte supplémentaire, il m’est apparu nécessaire d’envisager un calendrier simple et progressif. Ce que l’on conçoit bien, s’énonce clairement….
Pensez-vous que les Français adopteront rapidement ce « nouveau geste » si la proposition de loi est retenue ? Avez-vous consulté vos concitoyens « sur le terrain » avant de la rédiger ?
Vous voyez, vous parlez déjà vous-même d’un nouveau geste… preuve en est que chacun saura se l’approprier. La force de cette mesure c’est de pouvoir être comprise et je pense intégrée très rapidement. Une fois encore, nous sommes face à une dématérialisation qui est inéluctable. Cette proposition de loi est avant tout à prendre comme un accompagnement anticipé de ce qui arrivera demain. Pour le reste, les Danois et les Anglais l’ont intégré depuis des années, je ne crois pas que les Français ne puissent pas être au rendez-vous. S’agissant des réticences, j’ai évidemment consulté et expérimenté sur le terrain le dispositif avec les acteurs concernés et évidemment les consommateurs. Je crois que tout réside dans la possibilité de continuer à pouvoir obtenir son ticket quand on en formulera la demande.
Copyright de l’image à la Une : Vincent Courageux