Depuis sa création en 2008, le succès de la plateforme de location de logements entre particuliers Airbnb s’est accompagné de plusieurs procès de sous-location abusive. Sans oublier la colère des hôteliers qui crient à la concurrence déloyale. Décryptage juridique avec Maître Pascal Gourdault-Montagne, avocat à la cour et docteur en droit.
Les propriétaires supportent de moins en moins que leurs locataires sous-louent sur la plateforme Airbnb, pourtant il s’agit d’une pratique répandue. Quelles questions ce phénomène soulève-t-il sur le plan juridique ?
La loi interdit la sous-location, sauf accord exprès du propriétaire. Le locataire ne peut donc pas sous-louer sur une quelconque plateforme s’il n’a pas l’autorisation requise. Il doit aussi obtenir son accord sur le montant de la sous-location, laquelle ne doit jamais excéder ce que le locataire paye lui-même au prorata (sinon il y a enrichissement au moyen de la chose d’autrui).
Cela signifie que le prix de la sous-location sur Airbnb doit dans ce cas correspondre au prix du loyer (au prorata des nuitées occupées) et non en fonction du prix du marché.
Sans cette autorisation, le locataire s’expose à des sanctions : après sommation, le propriétaire peut agir devant le tribunal d’instance en résiliation du bail. Le locataire encourt l’expulsion et le paiement de dommages et intérêts outre des frais de justice. Il peut aussi se voir refuser le renouvellement de son bail.
La loi interdit la sous-location, sauf accord exprès du propriétaire.
Le 21 février 2017, contre toute attente, le tribunal d’instance de Nogent-sur-Marne a donné raison aux locataires dans une affaire qui les opposait à leurs propriétaires pour avoir sous-loué leur logement sur Airbnb sans prévenir. Cette décision est-elle en continuité avec la jurisprudence antérieure ?
Dans les décisions antérieures, le tribunal a fait une application rigoureuse de la loi : pas d’autorisation = manquement grave au contrat = résiliation et indemnité.
Ici le juge de Nogent-sur-Marne, mais ce peut tout à fait rester une décision isolée, a considéré que la période de sous-location était courte (9 jours) et que les locataires avaient fait amende honorable en cessant immédiatement la sous-location.
Il en a déduit qu’il n’y avait pas de manquement grave et répété des locataires à leurs obligations. Si chaque juridiction apprécie au cas par cas le dossier qui lui est présenté, il n’en demeure pas moins que la sous-location n’avait pas été autorisée.
Reste aux cours d’appel à se prononcer et peut être à la Cour de cassation pour tenter d’harmoniser les décisions.
Traitez-vous vous-même de nombreux litiges concernant cette pratique ?
J’ai été consulté sur ces questions, notamment par des propriétaires souhaitant connaître l’évolution de la règlementation en vigueur ; ce n’est toutefois pas mon activité principale qui est tournée vers les baux commerciaux.
La valeur d’un appartement dépend de son rendement locatif lorsque l’achat est celui d’un investisseur. Or la location de courte durée est plus fructueuse qu’une location de durée normale.
Quelles retombées la location de courte durée a-t-elle sur le marché immobilier, notamment à Paris ?
La valeur d’un appartement dépend de son rendement locatif lorsque l’achat est celui d’un investisseur. Or la location de courte durée est plus fructueuse qu’une location de durée normale.
La location d’un meublé de tourisme dans un quartier recherché augmente encore la valeur locative, donc la valeur vénale du bien.
À moyen terme, on risque de ne plus trouver de locations nues à Paris, or 60% des parisiens sont locataires. Cela augmente considérablement le prix des appartements et peut raréfier encore plus l’offre de locations.
Dans quelle mesure ce genre de pratique engendre-t-il un véritable business pour les propriétaires de plusieurs appartements ?
Il est plus rentable pour eux de louer à la semaine qu’au mois. C’est une occupation conciliable avec un emploi par ailleurs, donc certaines personnes achètent des studios dont elles retirent un loyer mensuel global deux à trois fois supérieur que s’il était loué pour trois ans.
Quand cela devient habituel, le propriétaire doit acheter des « droits de commercialité » pour les locations touristiques meublées.
Le fait est que l’on trouve aussi beaucoup d’agents immobiliers déguisés sur la plateforme.
À moyen terme, on risque de ne plus trouver de locations nues à Paris, or 60% des parisiens sont locataires.
New York, Barcelone et Berlin ont déjà encadré voire interdit la location de logement via des portails spécialisés de type Airbnb. Est-ce en raison de la concurrence déloyale dont se plaignaient les hôteliers ou des nombreux faits divers impliquant la plateforme ?
Les utilisateurs semblaient ne pas respecter les mesures prises par ces municipalités pour éviter que les locations touristiques de courte durée ne défigurent certains quartiers très recherchés et qu’elles prennent le pas sur les locations nues moins rémunératrices.
Il y a eu des faits divers impliquant la plateforme sans que cela ne soit la cause directe et exclusive de ces restrictions.
À Paris, des mesures ont également été prises pour encadrer ce type de location (durée maximale de quatre mois par an, taxe de séjour directement collectée par la plateforme, etc.).
De nombreux hôteliers se sont plaints de cette offre au motif notamment que les clients de la plateforme ne s’acquittaient pas de la taxe de séjour. De plus en plus de touristes se sont tournés vers ces offres, moins onéreuses et plus variées (notamment en termes de places). Mais certaines copropriétés désapprouvent aussi le va-et-vient et les nuisances sonores occasionnées.
Des plaintes ont été déposées massivement auprès du parquet de Paris notamment, par les professionnels de l’hôtellerie et de l’immobilier critiquant le fait que les plateformes se comportent comme des intermédiaires sans respecter la règlementation qui y est attachée et sans être soumises aux mêmes contraintes légales et fiscales. À l’instar des compagnies de taxi contre les systèmes tels qu’Uber qui se considèrent victimes de concurrence déloyale.
Un décret paru le 30 avril au Journal officiel donne désormais aux grandes villes la possibilité de contraindre les loueurs de logements utilisant des plateformes telles que Airbnb à se déclarer en mairie.
Le but ? Permettre aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles de la petite couronne parisienne de créer un numéro d’enregistrement pour les meublés d’une location de courte durée, afin de pouvoir vérifier qu’ils n’excèdent pas la durée limite légale de location de 120 jours par an.