Il est entendu depuis longtemps que le mécanisme institutionnel propre à l’élection présidentielle favorise un choix entre individus. Ces personnalités – femmes ou hommes – n’en portent pas moins l’identité collective des formations dont elles sont issues ou, en cas d’absence de passé militant ou électif – à l’exemple d’Emmanuel Macron en 2017 – la marque du patron qui leur mit le pied à l’étrier. Les candidats, sauf les plus farfelus, ne viennent pas de nulle part. Un bon exercice pour les politologues d’hier et d’aujourd’hui, consiste donc à distinguer chez les postulants leurs propres idées de celles de leurs amis, camarades et compagnons. L’ exercice semble cependant de plus en plus vain. Pour trois raisons au moins.
La première tient au fait que l’on s’intéresse de moins en moins aux programmes. Sans aller jusqu’à dire que la couleur des yeux, la coiffure ou la coupe des costumes comptent plus que les argumentaires structurés, il est tout de même permis d’affirmer que la « petite musique » qui émane de chaque candidat n’a pas grand chose de rationnel. Il s’agit surtout de réussir (ou non) à instaurer un rapport de séduction avec les électrices et les électeurs et l’on sait que celui-ci ne passe pas forcement par les mots.
La deuxième explication de la moindre curiosité de l’opinion pour les questions programmatiques est illustrée par les événements de ces derniers jours. Quand une actualité brutale et pesante vient tout chambouler, les propositions élaborées dans un contexte plus serein accusent soudain un sacré « coup de vieux ». Celui-ci peut cependant n’ être que passager tant les réalités ont la peau dure. Pour ne citer qu’un exemple, la réforme des retraites avec ses différentes options ne pourra jamais être tout à fait escamotée. L’inflation et la baisse du pouvoir d’achat la feront peut-être passer un moment au second plan mais l’importance même de ces sujets économiques en renforcera à terme la nécéssité !
La troisième et dernière raison expliquant pourquoi les programmes n’attirent guère vient de ce que certains sociologues ont appelé « la gouvernabilité molle ». Le déclin des idéologies et l’acceptation des contraintes donnent à tort l’image d’une société plus gouvernable. En réalité ce « réalisme » traduit plutôt une forme de découragement devant tout ce qui pourrait ressembler à une vision d’avenir et donc à une forme quelconque de volontarisme politique élaboré. D’où le rêve, comme l’a montré la crise des gilets jaunes, d’objets institutionnels indistincts tels le « référendum d’initiative citoyenne » permettant de dire « non » à tout ou presque.
Comme c’est un peu tard pour la présidentielle, il faut donc à l’occasion des législatives militer pour le grand retour de vrais programmes détaillés donnant envie de s’inventer un futur. Leur utilité première – ainsi que le remarquait récemment Régis Debray- n’est-elle pas de nous aider à mettre un pied devant l’autre ?
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