Si la France n’atteint toujours pas ses objectifs en matière de construction de logements neufs, le sujet n’en reste pas moins délicat à aborder dans le cadre des élections présidentielles d’après Eric Groven, Directeur de l’Immobilier des réseaux France Société Générale et Président de Sogeprom. Entretien.
Pourquoi cette absence du sujet du logement dans le dialogue des présidentielles ?
C’est une discrétion assez surprenante à l’heure où le logement représente désormais la première dépense des ménages. Trois raisons peuvent néanmoins expliquer ce constat :
- il s’agit tout d’abord d’un sujet technique et compliqué, qui ne s’adapte pas forcément au débat médiatique ;
- « bien se loger » représente une thématique trans-partisane et pas particulièrement clivante d’un candidat à l’autre ;
- enfin, la France compte aujourd’hui un parc de 35 millions de résidences principales et n’engage la construction que de 350 millions de logements neufs par an, ce qui ne le renouvelle qu’à l’échelle de 1%. La rentabilité électorale d’une promesse de construction n’est donc pas suffisante sur la durée d’un mandat.
Quelques propositions ont néanmoins été faites. Yannick Jadot déclare vouloir construire 700 000 logements sociaux et en rénover 800 000. Éric Zemmour lui veut en finir avec la loi SRU et le quota de logements sociaux. Pensez-vous ces mesures réalisables et viables ?
Dans un article exhaustif paru courant février dans La Tribune, le journaliste César Armand a rassemblé toutes les propositions avancées par les candidats à l’élection présidentielle en matière de logement. On y remarque que chacun y va de sa propre mesure, sans qu’aucune véritable politique globale n’en ressorte. La construction comme la rénovation ont toutes les deux un coût nécessitant de mobiliser les moyens comme la volonté de l’Etat. Certains sont partisans de la suppression de la loi SRU – et notamment son article 55 sur les quotas de logements sociaux -, à l’exact opposé de la loi 3Ds adoptée définitivement le 9 février dernier qui dans l’essentiel de ses modalités est une réaffirmation de la loi SRU. Sa suppression ne raisonne donc pas en termes de logements mais plus largement au travers d’un choix de société.
A l’échelle individuelle, les personnes souhaiteraient bénéficier de logements plus ouverts, modulables et flexibles avec l’extension du télétravail suite à la crise de la Covid-19.
Quelles sont les attentes des Français en termes de logement ?
Dans leur ensemble, les besoins des Français ont beaucoup évolué. Surtout si l’on prend en compte les quatre millions de mal-logés comptabilisés par l’association de l’Abbé Pierre qui forment une minorité silencieuse. Ce sujet monte progressivement dans l’opinion publique.
A l’échelle individuelle, les personnes souhaiteraient bénéficier de logements plus ouverts, modulables et flexibles avec l’extension du télétravail suite à la crise de la Covid-19. Sans oublier une sensibilité toute particulière portée à la valeur sanitaire du bâtiment dans le cadre de la transition énergétique. Mais aussi le volet numérique, avec la généralisation de la domotique.
Nous voulons tout d’abord lutter contre l’étalement urbain en évitant d’artificialiser les sols.
On observe pourtant une crise du logement neuf et une baisse importante des autorisations de construction. Quelle est la raison de cette baisse ? Comment y remédier selon vous ?
Nous voulons tout d’abord lutter contre l’étalement urbain en évitant d’artificialiser les sols. C’est un élément important qui ne permet plus d’obtenir des permis de construire aussi facilement qu’autrefois. Il faut aussi prendre en compte que beaucoup de municipalités françaises ont changé de camp politique et certaines sont plus réticentes à la démarche de construction. Autant de facteurs très différents expliquant la problématique de production de logements qui n’atteint pas ses objectifs !
Dans leur ensemble, les besoins des Français ont beaucoup évolué.
Vous travaillez sur un projet dans le cadre des JO 2024. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet ?
Au travers de sa filiale Sogeprom, Société Générale a remporté l’un des appels d’offres de la SOLIDEO (Société de Livraison des Ouvrages Olympiques) visant à loger l’ensemble des médias qui se rendront pour couvrir les JO 2024 à Paris. Au-delà de la construction de ce village, nous prévoyons de pérenniser sur place la construction de 770 logements familiaux, 84 destinés aux étudiants, une conciergerie, etc. Le tout sur une surface de 62 000 m2.
Deuxième phase du projet : la création d’une cité-jardin qui rendra ce quartier extrêmement respectueux de l’environnement, marquant ainsi une véritable révolution dans la manière de construire. Rendre toute sa place à la nature tout en améliorant la santé des habitants sont autant d’objectifs que nous poursuivons activement, surtout dans le cadre d’une réglementation de plus en plus drastique !
© de l’image à la Une : Groupement Demathieu Bard Immobilier, Pitch Immo, Sogeprom, 3F et Architectes : Baumschlager Eberle, Martin Duplantier, Nunc, Anne Demians, Hardel Le Bihan, Barrault Pressaco.