L’arrêt du service Autolib’ ne signe en aucun cas celui des autres solutions d’auto-partage. C’est l’intime conviction de Théodore Monzies, co-fondateur d’Eurecab, une application de comparateur de prix pour les taxis et les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) en France. Entretien.
Malgré la fin d’Autolib’ en juillet dernier, la mobilité partagée devient une pratique de plus en plus populaire. Quelles alternatives pourraient-elles remplacer cette offre ?
L’arrêt du service Autolib’ ne révele en aucune manière une réduction des offres de mobilité. C’est même tout le contraire qui est en train de se produire.
Depuis deux ou trois ans, de nombreux services en free floating ont fait leur apparition.
Citons tout d’abord les scooters électriques en libre-service (Cityscoot et COUP). Cityscoot annonce vouloir déployer 6000 scooters électriques à Paris d’ici la fin d’année. COUP dispose d’une flotte de 1700 véhicules. C’est déjà davantage que les 4000 Autolib’ qui étaient déployées à Paris.
Des offres d’autopartage se sont également développées. Des opérateurs comme Ubeeqo, Communauto, Zipcar ou encore Renault Mobility proposent déjà plusieurs centaines de véhicules en accès libre, et bientôt plusieurs milliers.
Le segment de la micro mobilité (trajets de quelques kilomètres) connaît également un dynamisme très fort : les opérateurs de vélos en libre-service Ofo et Mobike ont pris pied dans la capitale. Toujours sur ce segment, ce sont désormais les opérateurs de trottinettes électriques en libre-service Bird et Lime qui ont le vent en poupe. Ces offres sont très attractives pour les petits trajets : moins chères qu’un VTC ou un taxi, souvent aussi rapides, et sans effort pour l’utilisateur ! Elles connaissent un développement exponentiel aux Etats Unis et connaîtront peut-être le même succès en France.
Enfin, comment ne pas citer les services de véhicules avec chauffeur (VTC) qui ont vu un très fort développement depuis cinq ans ? Ces services sont désormais bien ancrés dans la mobilité quotidienne des franciliens. Les alternatives à Autolib’ sont donc nombreuses.
L’autopartage en free floating, qui permet de laisser un véhicule à n’importe quel endroit d’une zone donnée, a tout particulièrement le vent en poupe. Quelles en sont toutefois les limites ?
L’un des grands avantages de l’autopartage en free floating est la liberté donnée au conducteur. Il dispose d’un mode de transport flexible, accessible et ce sans passer par un processus de réservation long et contraignant.
Ce modèle très souple pour l’utilisateur n’est pas sans limites. La première d’entre elles tient en la capacité d’accueil de la zone où désire se rendre l’utilisateur. Même en autopartage, les véhicules doivent disposer d’un emplacement de stationnement à leur lieu d’arrivée. La voiture en autopartage est donc frappée du même problème que la voiture individuelle : la place est limitée.
Le second problème concerne la gestion de l’équilibre entre offre et demande. Il faut que l’utilisateur souhaitant entamer une location trouve un véhicule à proximité, or, ce n’est pas forcément à cet endroit qu’un autre utilisateur aura terminé son trajet.
Ces deux problèmes que sont la limite de l’infrastructure et l’adaptation de l’offre de véhicules à la demande des utilisateurs- constituent les principaux défis de l’autopartage.
L’un des grands avantages de l’autopartage en free floating est la liberté donnée au conducteur.
Les communes où Autolib’ était mis en place sont restées avec 6200 places de stationnement vides et autant de bornes de recharge électrique. Que vont devenir ces installations ?
C’est une bonne question : le contrat prévoit que les bornes Autolib’ soient rétrocédées aux collectivités, mais pas le logiciel permettant de les utiliser. En l’état, les bornes ne sont pas utilisables commercialement. Gageons que ce problème sera résolu tôt ou tard.
Par la suite, compte tenu des politiques publiques en faveur du véhicule électrique, il paraît logique que les bornes soient mises à disposition (probablement contre rémunération) des opérateurs de véhicules en autopartage, voire même des propriétaires de véhicules électriques. Plusieurs opérateurs sont déjà sur les rangs, le vide laissé par le départ d’Autolib’ devrait être très rapidement comblé.
Même en autopartage, les véhicules doivent disposer d’un emplacement de stationnement à leur lieu d’arrivée.
Qu’en est-il des 4 000 véhicules Bluecar ?
Les véhicules seront soit redéployés sur d’autres services d’autopartage de Bolloré (Lyon, Bordeaux, Turin), soit recyclées afin d’en récupérer les batteries, soit revendus, ou, pour les plus anciens, envoyées à la casse.
Alors qu’Anne Hidalgo a tout fait pour décourager les Parisiens de posséder leur propre voiture, quelles conséquences l’échec d’Autolib’ peut-il avoir sur l’avenir des voitures d’auto-partage en Ile-de-France, voire à l’échelle nationale ?
Autolib n’est pas un échec sur tous les plans. Le service avait trouvé son utilité, notamment auprès des habitants de la proche banlieue. En revanche, d’un point de vue financier, c’est un désastre avec une ardoise probable de plus de 200M€ pour le contribuable. Les acteurs publics réfléchiront donc certainement à deux fois avant de lancer de nouvelles offres d’autopartage en délégation de service public.
Cela dit, la fin d’Autolib’ ne signifie pas du tout la fin de l’autopartage. Le secteur connaît même une certaine vigueur liée à l’activité d’acteurs privés. Tous les constructeurs automobiles s’y intéressent, ainsi que les loueurs de voiture. Citons également l’initiative de la startup Drivy qui, grâce à son boitier Drivy Open permet de rendre le véhicule d’un particulier accessible en autopartage.
En somme, si les collectivités locales pourraient pour des raisons financières ne plus souhaiter lancer des initiatives d’autopartage, les acteurs privés n’ont rien perdu de leur intérêt pour cette activité.