Seul François Hollande pourrait, à la rigueur, dire à Emmanuel Macron : “qui t’a fait roi ?” Mais l’ancien président de la République ne se trouve pas en situation de faire observer quoi que ce soit au nouveau. Parmi les autres acteurs de la vie démocratique, sur la scène depuis plusieurs décennies pour certains d’entre eux, rares auront été ceux qui ont eu l’intuition de croire au fabuleux destin du jeune intrus. Ils ont pour noms François Bayrou, Gérard Collomb, Edouard Philippe, Bruno Le Maire et l’on a vite fait le tour de leur bataillon. Si bien qu’Emmanuel Macron, pour la première fois dans l’histoire politique de notre pays, est un président élu qui n’a vraiment de merci à dire à personne, pas même aux habitants d’un petit fief électoral personnel car il n’a pas connu les joies du suffrage universel avant de se présenter à l’épreuve reine des courses démocratiques. C’est cette singularité qui n’en finit pas de surprendre et qui laisse encore abasourdi le village politico-médiatique. Et de ce particularisme, tout le monde s’attend, depuis plus d’un semestre désormais, à ce que jaillisse le pire ou le meilleur. L’erreur, cependant, serait de croire au surnaturel. D’imaginer qu’un homme qui a su se faire élire en jouant aussi bien de son talent comme des circonstances sera capable d’accomplir des miracles. Qu’ils se produisent dans une simple mairie ou au sommet de l’Etat, les malentendus de ce genre finissent toujours mal. On connait la logique de leur infernal enchaînement. On se met à croire de façon déraisonnable au Père Noël ou au Prince charmant puis l’on est forcément déçu et l’on se met à clamer partout que beaucoup a été promis mais que rien n’a été tenu. François Mitterrand puis Jacques Chirac furent victimes d’un désenchantement de ce genre. Le premier, il est vrai, promettait de “changer la vie”. Le second de “réduire la fracture sociale”. L’imagination de l’électeur était conviée à faire le reste du travail. C’est à dire à espérer dans le détail, en fonction des soucis de chacun. On remarquera que l’actuel locataire de l’Elysée se tient dans un registre à la fois abstrait, peu lyrique – seule peut-être son incantation européenne témoignait d’une certaine exaltation – et raisonnable quant aux risques pris.
Il est somme toute rassurant de voir un chef de l’Etat comprendre aussi vite à quel point les réalités françaises ont la peau dure. Même quand nos concitoyens ont meilleur moral, la somme des absurdités livrées par l’actualité du fait d’incompétences diverses, y compris chez ceux qui informent, laisse pantois. Elle rend ce pays complexe très difficile à piloter en dépit – ou à cause – des brillants cerveaux qui le peuplent. Ne citons que la persistance d’un fort chômage structurel – peu effaçable par une simple reprise économique –, les catastrophiques chiffres du commerce extérieur, les dysfonctionnements perpétuels de l’Education nationale et de la SNCF, la persistance des inégalités entre territoires et l’incapacité à prévoir, en de nombreux domaines, ce qui semble pourtant prévisible, qu’il s’agisse des flux migratoires, des places en faculté ou des déserts médicaux. La liste est bien entendu beaucoup plus longue. Souhaitons en ce début d’année voir le nouveau pouvoir trouver quelques cuillers de bon sens et de pragmatisme à mettre dans toutes les potions susceptibles d’être administrées aux Français pour qu’ils se sentent mieux. Cela pourrait même constituer un vœu unique.
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