Pouvez-vous commencer par nos présenter l’état des lieux de l’éolien maritime en France en 2017 ?
Cela va être assez rapide puisqu’à l’heure actuelle il n’existe aucun parc en exploitation ni même en construction dans notre pays. Il faut se rappeler que l’objectif de production fixé par le Grenelle de l’Environnement en 2009 était de 6000 méga watts d’ici à 2020. Dans deux ans, nous serons alors beaucoup plus proche de zéro que de 6000.
Les premiers parcs éoliens français ne seront pas inaugurés avant 2022. L’objectif du Grenelle est très loin devant nous. La France a clairement pris les choses à l’envers en se fixant des objectifs sans avoir planifié son espace maritime. De ce fait, force est de constater que nous sommes dotés de projets sur le papier qui sont mis à mal au niveau local.
Les blocages se font à la fois sur le plan politique que sur le plan culturel. Je pense notamment aux oppositions de riverains sur ce dernier point, ces derniers sont plus réticents que ceux d’autres pays européens comme le Danemark ou l’Allemagne. Sur le plan réglementaire l’opération est également rendue complexe quant aux délais nécessaires – plus d’une dizaine d’années – pour mettre en place un parc efficace et rentable. Les procédures sont extrêmement longues et font toutes l’objet de recours.
L’état des lieux que nous faisons chez FNE est alarmant et nécessite d’être désamorcé petit à petit.
La France possède pourtant la plus grande surface littorale de toute l’UE …
Effectivement, c’est un argument souvent repris. Notre pays a clairement raté une occasion sur ce sujet et pris un retard considérable malgré ses dispositions géographiques. Rien qu’en termes d’emplois, nous avons les moyens de créer une nouvelle filière énergétique forte qui peut débloquer de nombreux postes, comme cela a été le cas chez nos voisins.
C’est une bonne chose que de vouloir accélérer la transition énergétique et donc de gagner du temps sur la mise en œuvre du projet éolien.
Vous parliez de planification, justement le Ministre de la Transition énergétique, Nicolas Hulot, entend réduire à « moins de sept ans » le délai nécessaire pour créer un parc éolien en mer, qui est actuellement de « plus de 10 ans », est-ce une bonne nouvelle ?
C’est une bonne chose que de vouloir accélérer la transition énergétique et donc de gagner du temps sur la mise en œuvre du projet éolien. Cependant il ne faut pas que ce temps soit gagné au détriment de ce qui attrait à l’environnement. Je pense notamment au risque que les études d’impacts soient raccourcies, ainsi que les délais de concertation. Il s’agit d’éléments importants du processus décisionnel qui ne doivent être négligés. Malgré cela, force est de constater, une fois de plus, la lenteur des procédures entre l’appel d’offre et le démarrage d’un chantier. Il faut toujours compter une dizaine d’années en 2018.
Benoît Hartman, l’ancien porte-parole de FNE, a déclaré en décembre 2016 que le Danemark est le « bon élève » et la France le ‘ »mauvais » de la classe Europe, pouvez-vous expliquer un tel décalage ?
Le Danemark est pionnier en la matière, et ce depuis 26 ans. Leur premier parc, qui date de 1991 va être démantelé l’an prochain pour cause de vétusté, cela illustre parfaitement notre retard en la matière. Mon avis est que nous avons été bloqué par les lobbys de l’énergie tels que celui du nucléaire, ce qui a eu pour conséquence de bloquer la planification de notre espace maritime. Ce cas de figure ne s’est pas présenté au Danemark. L’enjeu à la clé dans nos deux pays était et est toujours l’indépendance énergétique. La France a choisi l’atome à la place de l’éolien en son temps.
Les deux raisons qui expliquent un tel décalage sont les suivantes : la simplification des procédures – sur laquelle la France a commencé à travailler – afin d’améliorer nos capacités de planification et l’acceptabilité de ce genre de projets. 2018 doit être une année importante dans le déblocage de nos capacités de planification. Au niveau national il n’existe pas en France d’instance de débats regroupant les associations environnementales, les usagers de la mer, les élus locaux, les services de l’Etat, etc. Or c’est quelque chose que FNE demande depuis maintenant plusieurs années. Il n’est pas possible aujourd’hui de discuter du sujet de l’éolien maritime en France. Il faut plus de concertation nationale afin d’améliorer l’acceptabilité locale.
Ce serait mentir que de dire que les éoliennes maritimes n’ont aucun impact sur nos littoraux.
Est-il possible de construire des éoliennes en mer (en surface) sans abimer le littoral physiquement et visuellement ?
D’un point de vue objectif, ce serait mentir que de dire que les éoliennes maritimes n’ont aucun impact sur nos littoraux. Nous travaillons actuellement à des propositions de projets qui soient le moins contraignant possible pour la faune et la flore. Il faut compenser nos lacunes sur le fonctionnement des océans également. Nous connaissons parfois mal ce milieu, ce qui peut gêner son exploitation saine. Il y a une réelle nécessité de financement de la recherche de la part de l’Etat sur l’étude des mers et océans.
Pour ce qui est de la pollution dite physique, visible, cela doit relever de la décision locale, des élus et riverains. Il s’agit d’un impact subjectif sur nos littoraux. Le véritable enjeu se situe dans l’éloignement des éoliennes en mer, avec pour but de gêner le moins de personnes possible en gagnant la ligne d’horizon dans les zones d’implantation. Cependant, cela a pour conséquence directe d’augmenter les coûts de construction et d’entretien (éloignement, profondeur de la mer, coûts de raccordements). Les porteurs de projets actuels en ont bien conscience.
Est-ce que sur le plan juridique la loi Littoral de 1986 peut poser problème ?
Non car le seul impact que peuvent avoir les éoliennes en mer sur les littoraux est au niveau du point d’atterrage. C’est-à-dire le raccordement entre la machine qui produit de l’énergie en mer et la terre ferme où elle sera transformée en électricité. Le seul impact qui peut poser problème à ce niveau est visuel. Ce dernier est aussi un impact subjectif, et difficile à traiter juridiquement. C’est aux habitants de décider localement.
Je pense que l’on peut parler d’un « syndrome éolien » en France.
Comment expliquez-vous la réticence des riverains et des élus au sujet des éoliennes maritimes ?
Je pense que l’on peut parler d’un « syndrome éolien » en France. Beaucoup d’idées reçues ou d’informations erronées circulent sur cette énergie. Il y a aujourd’hui un manque d’information des populations à ce sujet. C’est pour cela qu’il est capital d’aller à leur rencontre et de débattre avec elles.
Tout dépend aussi de la localité où vous vous trouvez. Par exemple dans les Pays de la Loire plusieurs projets sont en cours de maturation et sont acceptés tant par les riverains que par les élus locaux. Dans les Hauts-de-France c’est par contre plus compliqué. Il y a une forte résistance des pêcheurs, notamment, qui ont peur de voir leurs réserves de poissons impactées, or ils sont soutenus par les élus de la région et des départements côtiers.