Emmanuel Macron avait promis un dialogue « sans concession ». C’est pourtant en grande pompe qu’il a reçu lundi après-midi son homologue russe à Versailles, lui réservant une poignée de main bien plus chaleureuse que celle qu’il avait échangée avec le président américain Donald Trump. Cette rencontre est d’autant plus emblématique qu’elle intervient dans le cadre de l’exposition « Pierre le Grand, un Tsar en France » qui commémore le tricentenaire de sa visite diplomatique en 1717. « Presque jour pour jour », comme le souligne le chef de l’Etat français. Une manière de poursuivre le « storytelling » présidentiel qu’il a entamé bien avant de franchir les portes de l’Elysée.
« Nous avons abordé des questions clés aujourd’hui »
« Des échanges francs et directs » : c’est en ces termes qu’Emmanuel Macron a qualifié sa rencontre avec le président russe. Intensification des relations bilatérales, conflit en Syrie, Ukraine, lutte contre le terrorisme et droits de l’homme : autant de sujets abordés par les deux chefs de l’Etat ce lundi 29 mai. Premier thème évoqué en conférence de presse : la problématique syrienne, sur laquelle Emmanuel Macron s’est voulu ferme face à son homologue. « Une ligne rouge très claire existe de notre côté, l’utilisation d’armes chimiques, par qui que ce soit. » Avant d’ajouter : « Toute utilisation fera l’objet d’une riposte immédiate, en tout cas de la part des Français. » Un engagement lourd qui n’empêche pas toutefois les deux présidents de vouloir « mettre en place un groupe de travail » pour lutter contre le terrorisme, comme l’a affirmé Vladimir Poutine. Si seul le temps en montrera l’efficacité, cette coopération potentielle s’impose comme un moyen de sortir de l’impasse diplomatique pour les deux pays.
Sur le dossier ukrainien, une discussion en format dit « Normandie » est à prévoir. Russie, Ukraine, France et Allemagne se réuniront donc dans les « prochains jours ou semaines » pour essayer de trouver une issue aux tensions dans ce pays.
Concernant les droits de l’homme et la situation des personnes LGBT en Tchétchénie et en Russie, Emmanuel Macron affirme avoir « très précisément indiqué au président Poutine les attentes de la France », lui rappelant « l’importance (…) du respect de toutes les personnes, les minorités et les sensibilités. »
Une volonté de rapprochement malgré les divergences
C’est au moment des questions posées par la presse que le ton est monté. Si Vladimir Poutine s’est défendu d’avoir voulu « influencer le résultat de la présidentielle » en recevant Marine le Pen à Moscou, soulignant qu’elle « a depuis toujours travaillé au rapprochement avec la Russie », Emmanuel Macron a qualifié Russia Today et Sputnik d’être des « organes d’influence durant cette campagne qui, à plusieurs reprises, ont produit des contre-vérités ». Le soupçon, de toute façon invérifiable, d’ingérence des hackers russes dans l’élection présidentielle n’a quant à lui pas été abordé par les deux chefs d’Etat. « Nous avons essayé de trouver les points de rapprochement. Je suis persuadé que les intérêts premiers de la France et de la Russie dépassent ces points de frictions » a insisté Vladimir Poutine. Un forum franco-russe des sociétés civiles devrait être mis en place en ce sens pour permettre aux deux peuples de mieux se connaitre.
D’apparence courtoise, la rencontre des deux présidents n’en a pas moins été musclée : en témoigne la joute de références historiques qui a rythmé leurs échanges en conférence de presse. Si Emmanuel Macron affirme que « Pierre le Grand c’est le symbole de cette Russie qui veut s’ouvrir à l’Europe », Vladimir Poutine rappelle qu’Anne de Kiev « a contribué au développement de la France puisqu’elle a été l’une des fondatrices de deux dynasties européennes, les Valois et les Bourbons. » Au Kremlin comme à Versailles, le Tsar reste ferme. Tout en invitant, sur le ton de l’humour, le président français à venir passer quelques semaines en Russie.
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