Professeur Stéphane Simon Praticien hospitalier, Université Paris Diderot, Groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière. Quand je me suis engagé dans la voie hospitalo-universitaire, après 17 ans d’exercice libéral, mon objectif était de transmettre aux futurs praticiens mes connaissances de la dentisterie moderne ; un rôle de passeur. Le 6 mars dernier, mon propre employeur, l’administration, a
Professeur Stéphane Simon
Praticien hospitalier,
Université Paris Diderot, Groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière.
Quand je me suis engagé dans la voie hospitalo-universitaire, après 17 ans d’exercice libéral, mon objectif était de transmettre aux futurs praticiens mes connaissances de la dentisterie moderne ; un rôle de passeur.
Le 6 mars dernier, mon propre employeur, l’administration, a brisé mes rêves en imposant à la profession une nouvelle convention. Par un « arbitrage » unilatéral, l’état nous interdit de prodiguer à nos patients des soins modernes répondant aux données acquises de la science et nous replonge vingt ans en arrière.
Nous, praticiens, nous restaurons des sourires et des fonctions masticatoires, nous conservons les dents de nos patients, les motivons à prendre conscience que leurs dents font partie intégrante de leur santé. Et cela sans aucun soutien des assurances privées et une faible participation des organismes sociaux.
Les étudiants se sont mis en grève pendant des semaines. Les praticiens se mobilisent pour essayer d’expliquer que leur préoccupation n’est pas leur revenu mais bien la camisole de force dans laquelle on essaie de les museler. Le triste constat que nous faisons tous aujourd’hui, c’est que si le patient doit payer ses soins, ce n’est pas parce que les dentistes « sont chers », mais simplement parce que les assurances ne jouent pas leur rôle. L’odontologie moderne a un coût. Personne ne le nie. La France n’aurait-elle pas les moyens de s’offrir une santé moderne ?
Alors en tant qu’enseignant, que dois-je faire ? Dois-je revoir mes programmes d’enseignements ? Et aux techniques de biotechnologies, de Biomométisme, de conservation et d’ingénierie tissulaire, dois-je me remettre à faire des cours sur le bouchage des caries avec du plombage ?
Praticien hospitalier, sans activité privée, mes revenus ne sont pas impactés par ces décisions. Au moins pour cette fois, on ne pourra pas tomber dans le populisme récurrent qui consiste à insinuer qu’un dentiste ne se bat que pour ses revenus.
Si j’écris ces lignes, c’est que je suis inquiet. Quel exercice cette convention réserve aux étudiants que nous formons ?
Je suis inquiet car j’anticipe le fait que cette convention obligera les praticiens à pratiquer un exercice rétrograde ; les condamnera à prodiguer des soins comme l’a fait une structure « low cost » qui a défrayé la chronique récemment. Cette structure, par une gestion purement financière des soins, a mis en application en avance, ce que l’administration nous imposera au 1er janvier prochain. Je suis inquiet car je connais les dégâts que cette « dentisterie pas chère » a causé chez les patients ; je connais aussi les coûts indirects que cette structure fait porter aujourd’hui au contribuable, pour réparer les préjudices physiques et psychologiques.
Il est encore temps pour reconsidérer les choses. De nombreux hospitalo-universitaires, chirurgiens-dentistes et prothésistes dentaires, sont disposés à vous expliquer honnêtement les choses et vous montrer le risque que cette convention fait courir à la population. Laissez-nous venir vous rencontrer. Il est temps d’intervenir pour que dans 20 ans, vous n’ayez pas à dire à vos électeurs, « prenez le train pour vous faire soigner les dents. Ici, il n’y a plus de dentiste, il n’y a que des arracheurs de dents ».