400 000 : c’est le nombre de salariés, en France, qui seraient potentiellement victimes du syndrome d’épuisement professionnel, plus connu sous son appellation anglaise, le burn-out. Après avoir reçu des salariés, des employeurs et des futurs managers, Yves Censi (Les Républicains), président de la mission d’information en charge du dossier, a voulu consacrer une audition aux gestionnaires des ressources humaines. Parce que « l’humain n’est pas une ressource comme une autre pour une entreprise ».
Souvent doublement impliqués dans le syndrome de l’épuisement professionnel, les DRH doivent à la fois le prévenir et le prendre en charge, sans toujours disposer d’information claire sur la question. « On en parle beaucoup mais il n’existe à ce jour que peu d’éléments dans la littérature », constate Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). D’autant plus qu’il « est difficile d’identifier le cas de burn out avant que la situation ne devienne irréversible », car les victimes n’en parlent pas nécessairement à leurs collègues.
Du présentéisme à l’implosion
Malgré une multiplicité de facteurs, le surinvestissement au travail reste l’une des causes principales du burn-out. « Les nouvelles technologies maintiennent le lien avec le collaborateur bien au-delà du temps réel passé en entreprise », affirme Bénédicte Ravache, ajoutant que « le droit à la déconnexion n’est pas toujours facile à mettre en oeuvre ». Résultat : un engagement extrême brouillant les frontières entre vie personnelle et professionnelle, surtout chez « les personnes qui font du travail le premier critère de socialisation, de sens à leur existence. » Les DRH devraient en ce sens mobiliser les managers « pour détecter les signaux faibles », rappeler « la notion de droit à l’erreur » tout en soulignant que « le surinvestissement n’est pas un facteur de surperformance. » Un discours dont la mesure a frappé le rapporteur Gérard Sebaoun, qui s’attendait à écouter « un acteur » plutôt qu’un « arbitre ».
Pour Olivier Drevon, « le burn-out est un terme anglo-saxon et donc une surface projectile de beaucoup d’autres fantasmes ; notre problème est bien d’en cerner la définition. »
Les portes de sortie
Côté psychiatrie, le président de l’Union nationale des cliniques privées (UNCPSY), Olivier Drevon, s’était déjà emparé du sujet en 2010, suite à la vague de suicides chez France Telecom. « Depuis six ans, la situation n’a pas trop changé », constate-t-il, « le burn out est autant présent aujourd’hui si ce n’est plus. On en parle plus ». Bien que les victimes se montrent aujourd’hui plus enclines à exprimer leur souffrance, « l’accès aux soins psychiatriques reste encore quelque chose de difficile, [ils ont] honte d’y avoir recours » affirme Cécile Kanitzer, directrice des soins de la branche psychiatrie de la Fédération hospitalière de France. D’après Olivier Drevon, l’ouverture d’une institution d’accueil spécifique serait un point rassurant pour le patient ; quant aux entreprises, il appelle les médecins à sortir de leurs cabinets pour « être pro actif au moins avec le médecin du travail », et développer davantage les relations avec les autres professions. « Ca me parait être le minimum », insiste-t-il.
Si le changement de travail ou la réorientation professionnelle restent les principales portes de sortie, le président de l’UNCPSY est certain que la création d’un programme de préparation au retour à l’emploi ne serait « pas si difficile que ça à monter. » Une chose est sûre pour Cécile Kanitzer : « l’accompagnement de la personne devient à un moment donné une responsabilité collective », insistant sur la nécessité d’associer les employeurs à ces approches manageriales ainsi qu’au développement d’un tissu tant sanitaire que social. Afin que le « bien-être au travail » ne reste pas une notion creuse.