Les Français guettent sur les chaînes d’information les frémissements de la moustache de Philippe Martinez et la montée des eaux jusqu’aux oreilles du zouave du Pont de l’Alma. De futurs chroniqueurs écriront qu’avec ses blocages syndicaux, ses villes inondées et ses pluies démoralisantes, notre pays se sera engagé d’une humeur chagrine dans la dernière année avant le rendez-vous présidentiel du printemps 2017. Commencé sous la pluie et par l’éclair qui foudroya l’avion présidentiel lors du premier déplacement de François Hollande, le quinquennat en cours aura été soumis à de prodigieuses variations barométriques, au propre comme au figuré. Les moments d’union nationale au lendemain de très meurtrières attaques terroristes ont été suivis par le retour du verbalisme révolutionnaire de « Nuit debout », des « casseurs » de tout acabit et des grèves dures menées par la CGT exacerbant les inquiétudes liées aux réformes – même édulcorées – contenues dans « la loi travail ». Les oppositions (celle des Républicains et celle du Front National) ont beau jeu d’accuser de tous les maux François Hollande et les siens. Mais il n’est en réalité pas facile de faire la part des erreurs micro-politiques avérées et d’un malaise plus diffus relevant d’un manque de repères face à l’ampleur des défis tourneboulant nos sociétés complexes, à commencer par la révolution numérique et la transition énergétique.
Selon qu’il s’agisse du climat ou de la fuite des heures, le mot « temps » se traduit par deux mots différents en anglais, weather ou time, ainsi que le philosophe Michel Serres l’avait remarqué naguère, sans doute après bien d’autres. En français, on use du même mot. Notre langue invite ainsi les hommes de pouvoir à subir le temps qu’il fait sans oublier de réfléchir au temps qui passe. Il pleut beaucoup sur la démocratie et pas seulement en France. Si on ne la protège pas mieux, elle pourrira un jour sous le soleil noir des régimes autoritaires.