Pourquoi vous-êtes vous engagée pour le droit des victimes ?
Cela remonte à la suite d’un grave accident de la circulation qui m’est arrivé il y a des années. J’ai passé deux ans dans un centre de rééducation et j’ai pu voir la détresse des victimes liée au manque d’information et de soutien. Je me suis sentie très privilégiée, malgré mon handicap et une blessure très grave: uniquement parce que j’étais avocate. Parallèlement, je me suis engagée dans le combat contre l’insécurité routière. C’est le point de départ de ma mobilisation affective et professionnelle.
Quel genre d’affaire dans le droit aux victimes avez-vous l’habitude de traiter ?
Dans ce cabinet, nous traitons à 70% des victimes de la circulation, 20% d’erreurs médicales, et 20% accident de la vie.
Vous avez écrit un billet « les victimes ont aussi besoin de justice », que dénoncez-vous dans ce texte ? De quel genre de justice les victimes ont-elles besoin suite à un attentat ?
Dans le communiqué que j’ai rédigé après les événements, je n’ai pas établi de distinguo entre les victimes d’attentats et les autres. Je crois tout simplement que notre société n’a pas décidé d’être une entité qui protège réellement les victimes sur le plan judiciaire. Elle manque de magistrats mais aussi de moyens financiers. Une femme qui perd son mari, et qui a trois enfants à élever, du jour au lendemain perd son salaire. Lorsque la justice met six mois à rendre un jugement, ou un an et demi avant de donner une date d’audience, cela peut prendre des proportions dramatiques pour les victimes, qui sont affaiblies.
L’autre problème en France, est que vous pouvez à la fois être expert judiciaire et expert d’une compagnie d’assurance. Il n’y a aucun texte qui l’interdit et en province, ce sont très régulièrement des médecins d’assurance qui sont les experts judiciaires.
C’est un vrai scandale, qu’il faut dénoncer.
Vous dites que les victimes, plus que d’hommages, ont besoin d’une justice, rapide, efficace et équitable : comment l’appliquer ?
Pour les experts, cela est très simple, il faudrait établir un texte interdisant les cumuls. Quant au reste, il y aussi des problèmes de compétence en France. Il est arrivé qu’un paraplégique reçoive un expert diabétologue ! C’est hallucinant et scandaleux !
Il faut pouvoir s’appuyer sur une loi qui explique que la victime doit recevoir, dès le lendemain de l’accident, un document en relatant les circonstances.
En tant qu’avocate, je veux que pour les victimes et les prévenus, le procès soit équitable.
Je ne suis évidemment pas contre le fait que les prévenus aient des droits, mais dans ce cas il faut aussi en donner aux victimes. Ce n’est pas normal aujourd’hui qu’une victime ne puisse pas faire appel.
La lenteur judiciaire est insensée et le manque de moyens est gravissime. Je ne jette pas la pierre aux magistrats, je me dis surtout qu’ils ont beaucoup de courage pour continuer à faire leurs métiers dans ces conditions. 90% des magistrats sont de bonnes personnes qui ont à cœur de bien faire leur métier, mais ils ne peuvent plus le faire.
Je réclame plus de rapidité judiciaire et une meilleure prise en compte de la victime sur l’information : qu’elle soit sur le droit d’appel ou sur l’indépendance des experts, je demande de la transparence. Il y a urgence.
Les victimes des attentats sont indemnisées par le fond de Garantie des victimes des actes de Terrorisme (FGTI) ou par leur assureur, de part votre expérience vous contestez cela, pourriez-vous en dire plus ? Les victimes ne seraient-elles pas indemnisées au final ?
Le problème c’est que ces victimes sont examinées par les médecins qui sont eux mêmes payés par les fonds! La victime a toujours la possibilité de faire venir un contre-expert judiciaire, mais ça encore une fois elle ne le sait pas ! Elle n’est pas dans le combat judiciaire, elle souhaite juste se reconstruire. Il faut communiquer sur le droit d’aide aux victimes en leur expliquant qu’elles peuvent avoir plusieurs expertises. Il faut leur donner des conseils. Malheureusement, tout cela est une question de « gros sous » et je le regrette.
Dans les contrats d’assurance classiques, il y a toujours une phrase excluant « les risques de guerre ou de guerre civile » : cela n’est il pas un peu désuet aujourd’hui ?
C’est un débat juridique. Mais je pense qu’il faudrait interdire ces clauses d’exclusion, c’est ce qu’il y a de mieux à faire, parce que malheureusement des attentats, il y en aura d’autres.
Crédit photo de Une : © JBV News