Avant le choc pétrolier de 1973, les ENR ne suscitaient que peu d’intérêt chez les gouvernants, et ce pour de multiples raisons. D’abord les Etats, notamment occidentaux, avaient encore d’importantes ressources énergétiques : le charbon au Royaume-Uni, le gaz aux Pays-Bas, le lignite en Allemagne, le pétrole aux États-Unis, etc. Ensuite les recherches en la matière étaient moins avancées que dans les champs pétrolifère ou nucléaire notamment. Enfin, si elles présentent l’avantage de ne pas rejeter de CO2 dans l’atmosphère, les ENR coûtaient, et coûtent toujours, plus cher que les énergies fossiles.
Dans l’ambiance prospère de l’après-guerre qui régnait en occident, et alors que les scientifiques ne faisaient pas encore état du réchauffement climatique, les énergies renouvelables semblaient donc d’un intérêt limité. Mais avec la hausse du prix du pétrole et la mise en évidence de l’urgence environnementale, elles sont devenues plus attractives aux yeux des gouvernants et des investisseurs.
Lutter contre le réchauffement climatique
C’est l’objectif annoncé des énergies renouvelables. La Terre se réchauffe, en partie à cause de l’activité humaine affirme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ce phénomène pourrait provoquer des déstabilisations économiques, sociales et géopolitiques majeures dans les décennies à venir. Afin d’éviter un scénario catastrophe, la réduction de la consommation d’énergies fossiles semble inéluctable. Celle-ci passe par des économies d’énergie, et par le recours croissant aux ENR, qui ne rejettent pas ou peu de CO2 dans l’atmosphère. En effet, les énergies hydraulique, éolienne ou solaire ne génèrent aucune pollution en termes de gaz à effet de serre. Elles peuvent cependant poser d’autres problèmes environnementaux. Par exemple la construction de barrages s’accompagne parfois de l’inondation d’une vallée et de lourdes conséquences pour l’écosystème. Mais force est de constater que l’énergie ensuite produite par ce biais épargne l’atmosphère.
Le rêve de l’indépendance énergétique
L’énergie est déterminante dans l’économie mondiale. La variation de son coût a des conséquences sur l’ensemble de la planète tant les systèmes sont aujourd’hui interdépendant. Par ailleurs son prix est tel qu’elle peut rapporter des sommes considérables à un Etat et ainsi améliorer son développement. C’est pourquoi l’indépendance énergétique est devenue un enjeu crucial. Produire sa propre énergie permet d’en faire commerce et de satisfaire les besoins de son économie. En 2009, l’Union européenne a pu constater combien sa dépendance vis-à-vis de Moscou pouvait s’avérer problématique lorsqu’interviennent des tensions géopolitiques. A l’inverse les Russes ont fait de leurs ressources énergétiques un redoutable instrument de puissance. Les principales sources d’énergies de la planète sont le pétrole, le gaz naturel et le charbon, qui constituent à elles trois près de 90% de la production totale. Or elles ne sont pas également réparties :
• 80% des stocks de pétrole sont entre les mains de dix pays seulement. L’Arabie Saoudite à elle seule en détient 20% !
• Pour ce qui est du gaz naturel, dix pays se partagent 76% des réserves mondiales. 23% appartiennent à la seule Russie, et 16% à l’Iran.
• Enfin le charbon est à plus de 90% réparti dans dix pays. Les Etats-Unis ont sur leur territoire environ 30% des provisions et la Russie presque 20% !
Une telle répartition sur la Terre fait des ENR une véritable aubaine pour des Etats désireux d’accroître leur indépendance vis-à-vis de leurs fournisseurs d’énergie. En investissant dans les énergies renouvelables, les pays se dotent des moyens d’avoir sur leur territoire leur propre production. Par exemple la Norvège, bien que par ailleurs exportatrice de pétrole et de gaz naturel, subvient à ses besoins avec la seule énergie hydraulique !
Quelles énergies renouvelables en France ?
Solaire, éolien, hydraulique, biomasse, etc., les énergies renouvelables peuvent provenir de sources très diverses, et mobi- liser des technologies de toutes sortes. Le choix d’investir dans une énergie en parti- culier est lié, entre autres, aux avantages géographiques du pays concerné : ainsi le Danemark est à la pointe dans le domaine de l’éolien, et l’Espagne juste derrière les Etats-Unis au classement des producteurs de chaleur solaire. La France s’appuie, elle, sur les filières bois et hydrauliques. Sur les 22 745 ktep (1 ktep = 1 000 tonnes équi- valent pétrole) d’ENR produits en France en 2010, un peu moins de la moitié (45 %) proviennent de la combustion du bois. Peu étonnant puisque selon l’Inventaire forestier national, en 2005 près de 30 % du territoire était recouvert de forêt ! A l’inverse, la production d’énergie solaire est quasiment inexistante, et l’éolien marginal.
23% d’ENR: un objectif réaliste ?
Comme les 26 autres pays-membres de l’Union européenne, Paris s’est engagée à ce que 20 % de l’énergie consommée sur son sol en 2020 soit renouvelable. Puis dans la dynamique du Grenelle de l’environnement, elle s’est donnée pour objectif d’aller plus loin encore que ses homologues européens, en portant l’objectif à 23% ! L’intention est louable, mais est-elle raisonnable ? En effet depuis le début des années 1990, la tendance était à la baisse en termes de consommation d’ENR, et ce de manière quasi constante jusqu’en 2005. Etonnant étant donné la place croissante qu’occupent l’environnement et l’indépendance énergétique dans l’esprit de nos gouvernants. Mais les données de 2009 en la matière incitent à plus d’optimisme.
La part des énergies renouvelables dans la consommation finale est estimée à 12,4 % en 2009, soit une hausse de 2,7 points par rapport à 2005, ce qui équivaut à 3,91 millions de tonnes d’équivalent pétroles. Si l’on se réfère aux statistiques de 2009, la France a donc encore 11 ans pour faire grimper les énergies renouvelables dans sa consommation finale de 10 points.
Et ailleurs dans le monde ?
Si la France est un pays qui compte, son action en matière d’énergies renouvelables à l’échelle de la planète ne comptera que si elle s’inscrit dans une dynamique mondiale. L’effort français ne doit pas être esseulé. Doivent aussi contribuer l’Europe et l’Amérique du Nord (qui consomme deux fois plus d’électricité), mais surtout les pays dits émergents, chaque année plus énergivores, notamment dans le sud de l’Asie, du Moyen-Orient au Japon en passant par la Chine. Certaines données sont encourageantes. Le solaire et l’éolien ont crû de 30 % entre 1998 et 2008 dans le monde. Les éoliennes produisent en 2008 autant d’énergie que la biomasse. L’hydraulique, qui représente 86 % de la production renouvelable et 16 % de la production totale a, lui, crû de 2,2 % dans la même période. Mais dans l’absolu ces aux de croissance sont insuffisants pour entamer une baisse de la production en volume des énergies fossiles, qui représente 67 % de la production d’électricité dans le monde en 2008. Surtout, si entre 1998 et 2008, la production totale d’énergies renouvelables a augmenté de 3 % dans le monde, sa part dans la production totale a diminué d’1,2 point, passant de 19,5% à 18,7 %. En clair, à l’échelle de la Terre, la production d’énergies fossiles croît plus vite que la consommation d’énergies renouvelables. Une dynamique qu’il faut maintenant inverser.
Louis Le Bris