Ce recueil de “Lettres, notes et portraits”, de la plume de Georges Pompidou, constitue une surprise. On savait que le regretté président aimait écrire mais que sa prudence naturelle l’avait conduit à ne rien publier de son vivant, à l’exception de sa fameuse anthologie de la poésie. Mais l’on pensait que les ouvrages posthumes rassemblant ses différents commentaires sur l’actualité politique, tels que Le nœud gordien, avaient ras- semblé l’essentiel des notes rédigées en vue d’hypothétiques mémoires.
Dés lors, l’annonce d’un livre préfacé par son biographe Éric Roussel, proche de Jacques Chirac, et assorti d’un témoignage d’Alain Pompidou, laissait supposer que l’on se trouverait en présence de quelques “fonds de tiroir” pieusement réunis mais sans grand intérêt.
En réalité, ce gros volume contient de véritables pépites susceptibles d’enrichir le travail des historiens. La longue correspondance entretenue avec un ami de jeunesse montre un Georges Pompidou, jeune professeur agrégé sorti de “Normale sup”, très tenté par le socialisme avant que ne se produise sa rencontre décisive avec le général de Gaulle.
Il paraît donc évident que certaines remarques à propos de celui qu’il lui arrive d’appeler tout simplement “Charles”, dans un mélange d’affection, d’admiration et d’agacement n’ont pas été divulguées trop tôt pour ne pas les exposer à de mauvaises interprétations.
Pompidou confiait au papier des états d’âme qu’il ne livrait guère autrement, même s’il lui arrivait d’écrire à François Mauriac qu’il le considérait comme un “confesseur” ! Il y a notamment un étonnant portrait du Général qui n’occupe hélas que trois pages mais qui est saisissant. Georges Pompidou s’inquiète de l’excessive sévérité du fondateur de la Ve République et se pose la question : “croit-il en Dieu ?”. Il reconnait que de Gaulle l’a “révélé à lui-même” en lui donnant ce qu’il n’avait pas : le goût de l’action. Mais il avoue aussi, malicieusement, que comparer le Général à Jeanne d’Arc, comme l’avait fait Roosevelt, n’était pas absurde… Quantité de lettres adressées, à des époques différentes, à celui dont il devint le successeur, témoignent d’un lien étrange, plus fondé sur l’obéissance critique que l’allégeance.
Nombre de phrases cinglantes prouvent aussi que sa vindicte contre Jacques Chaban-Delmas, le Premier ministre qu’il choisit en 1969 avant de s’en séparer, n’était pas dues à de simples bisbilles d’entourages, comme on l’a cru longtemps.
Lettres, notes et portraits
Georges Pompidou
Robert Laffont 540 pages
24€