Soulevant des enjeux à la fois écologiques, économiques et sociétaux, la voiture électrique engage la transition nécessaire vers l’ère de l’après pétrole. Compatible avec les usages actuels, elle annonce même le paradigme d’une nouvelle façon de se déplacer. Entretien avec Béatrice Foucher, directrice du programme Véhicules électriques de Renault.
La voiture électrique se veut une véritable révolution, mais les innovations actuelles rendent-elles possible une offre de masse à des coûts raisonnables ?
Si Renault peut aujourd’hui proposer des voitures électriques à des prix abordables en France, c’est essentiellement grâce à la prime gouvernementale pour l’acquisition d’un véhicule propre (7000 euros) et à la possibilité de louer la batterie au lieu de l’acheter. En l’absence de ces deux facteurs, proposer une telle offre au prix du marché thermique serait à ce stade impossible, compte tenu des coûts de ces nouvelles technologies. Néanmoins elles n’en sont encore qu’à leurs débuts et le temps montrera si la réduction des prix suit. La hausse des ventes et donc du budget des aides à l’achat et la décroissance des coûts permettront un rééquilibrage harmonieux tout en préservant un prix d’achat compétitif pour les clients.
Le véhicule électrique est-il en mesure de répondre aux usages actuels ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la motivation principale pour l’achat d’une automobile propre tient non pas aux préoccupations budgétaires mais au respect de l’environnement et à l’image que les clients privés souhaiteraient donner d’eux-mêmes. Si cette acquisition concrétise une forme d’engagement, beaucoup de personnes hésitent encore à franchir le pas à cause du rechargement (difficile en copropriété) et de l’autonomie réduite par rapport au véhicule thermique. C’est pourquoi la majorité des propriétaires du modèle Zoé l’utilisent comme deuxième voiture ou comme complément de mobilité pour les trajets courts : 30 % des premiers acheteurs en ont cependant fait leur véhicule principal. Les clients flotte sont plus attentifs au coût global d’utilisation et moins à l’image même si celle-ci est importante.
Qu’en est-il du temps de rechargement et des performances ?
Pour un rechargement de 0 à 100 %, le temps varie entre neuf heures et 30 minutes en fonction du type de borne et de la puissance disponible. En réalité, la durée est même inférieure puisque la majorité des clients utilisent ces installations alors qu’il leur reste encore 50 % de charge dans la batterie.
Quant aux performances, la voiture électrique a déjà fait ses preuves auprès des consommateurs, qui affirment découvrir un nouveau « plaisir de conduite » à la fois ludique, dynamique et sensoriel. La seule utilisation de cette expression, traditionnellement attachée aux moteurs thermiques, montre que les véhicules propres ont désormais gagné leur place dans l’univers de l’automobile.
L’usage de masse de la voiture électrique implique l’installation de bornes de rechargement à l’échelle urbaine : comment ces infrastructures se développeront-elles dans les prochaines années ?
Bien que la grande majorité des utilisateurs recharge le véhicule à domicile, de nombreux projets sont en cours dans les grandes villes et les lieux de grande affluence comme les parking de supermarchés, de cinémas… Visuellement rassurantes, ces infrastructures permettront aux conducteurs d’effectuer des trajets plus longs tout en affirmant l’existence du véhicule électrique dans l’espace publique. Ces installations serviront également aux véhicules plug in hybride, qui viendront compléter le dispositif afin de respecter les limitations des émissions de CO2imposées aux constructeurs.
Dans quelle voie comptez-vous poursuivre l’effort, notamment en recherche et développement ? Selon vous, quels progrès doivent encore être accomplis ?
À l’heure où les technologies se développent de plus en plus rapidement, nous sommes à l’aube des possibilités que l’énergie électrique va pouvoir offrir dans le domaine de l’automobile. Notre priorité va à l’augmentation de l’autonomie disponible, réconciliant le conducteur anxieux avec la peur de la panne (qui ne se produit pourtant jamais pour les clients de véhicules électriques).