Avec l’engagement majeur de la France au Mali en janvier 2013, dans quelle mesure les relations entre les deux pays ont-elles évolué ?
Les liens d’amitié et de confiance qui unissaient déjà nos deux pays sortent renforcés des épreuves traversées depuis que la France est intervenue militairement au Mali, le 11 janvier 2013, pour éviter que le pays ne tombe sous le joug de groupes terroristes.
Dès l’année 2012, nous n’avons pas ménagé nos efforts, aussi bien au Conseil de sécurité des Nations unies, dans le cadre de l’Union européenne et auprès de l’ensemble de nos partenaires, pour que la communauté internationale prenne conscience de l’urgence qu’il y avait à agir. La France a pu compter sur le soutien sans faille des états africains, de la CEDEAO et de l’Union africaine. Elle s’est fortement mobilisée pour qu’une mission des Nations unies puisse être déployée au Mali. Sur le plan économique, nous avons réuni en mai dernier à Bruxelles une conférence internationale de donateurs « Ensemble pour le renouveau du Mali », avec l’Union européenne, qui a permis de collecter plus de 3,2 milliards d’euros en faveur du développement du pays et dégagé des pistes de réformes essentielles en matière de gouvernance, de décentralisation et de relance économique. La France s’est impliquée pour que le règlement de la crise au Mali figure parmi les priorités de la politique européenne de sécurité et de défense, à travers la mise en place rapide d’une mission de conseil et de formation des forces armées maliennes (EUTM Mali).
Les Maliens savent que notre pays se trouve à leurs côtés. Sept de nos soldats ont perdu la vie afin que le Mali retrouve la paix et la sécurité. Leur sacrifice répond à celui des soldats maliens qui ont combattu durant les deux guerres mondiales pour que la France reste un pays libre.
Ces liens profonds nous permettent aujourd’hui de poursuivre un dialogue privilégié, qui sera essentiel pour relever les grands défis que sont la sécurité, le processus de réconciliation et le développement du Mali. Alors que se tiennent les élections présidentielles, auxquelles les Maliens ont massivement pris part, un chemin immense a d’ores et déjà été parcouru. Ces élections donneront aux autorités élues une forte légitimité pour faire entrer le pays dans une nouvelle ère.
L’intervention au Mali a permis de réduire significativement le potentiel des djihadistes opérant au Sahel. Pensez-vous que cet apaisement soit durable ?
Il faut tout d’abord saluer le succès de l’intervention conjointe des forces françaises, maliennes et africaines, qui a porté un coup très dur aux différents groupes terroristes implantés dans le nord du Mali. Six mois après le début des premières frappes, les bases des réseaux terroristes ont été éradiquées, tout comme la plupart de leurs capacités militaires et de leurs ressources logistiques. Pour les populations libérées de l’emprise des terroristes, c’est un véritable soulagement. Bien que le risque d’attaques ponctuelles subsiste, les mouvements terroristes paraissent aujourd’hui profondément déstabilisés.
Nous restons extrêmement vigilants et prenons notamment très au sérieux le risque de recomposition d’îlots terroristes à partir du sud-ouest de la Libye. Compte-tenu de la porosité des frontières dans la zone sahélienne, il est nécessaire de privilégier une approche globale des enjeux sécuritaires au Sahel et de veiller à la bonne coordination entre les états de la région en matière de sécurité. Ce doit être l’objectif de la stratégie Sahel de l’UE mise à jour, c’est aussi plus spécifiquement l’ambition de la mission de l’Union européenne EUBAM Libye, qui vise à aider les autorités libyennes à améliorer la sécurité de leurs frontières.
S’agissant du Mali, tout est mis en œuvre pour que la sécurité y soit rétablie de manière durable. Le déploiement progressif de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) en est l’élément-clé. Cette mission, jouera un rôle essentiel pour stabiliser le pays et l’accompagner dans le processus de transition politique. Elle pourra bénéficier du soutien de nos forces en cas de menace majeure et à la demande du secrétaire général des Nations unies.
Grâce à sa mission EUTM Mali, lancée en février 2013, l’UE contribue, avec succès, à la restructuration des forces armées maliennes. Alors qu’un premier bataillon de 660 soldats a déjà été formé et redéployé au nord du pays, un deuxième a commencé sa formation le 9 juillet. Afin de garantir une stabilisation durable du Mali, l’UE réfléchit également au soutien qu’elle pourrait apporter, dans le cadre de sa politique de sécurité et de défense, aux forces de sécurité intérieure maliennes.
Au-delà de la dimension militaire, il est important de rappeler que seule la poursuite du processus politique de réconciliation, accompagnée d’une action résolue en faveur du développement, permettront de rétablir durablement la paix au Mali. La France apportera tout son soutien aux autorités maliennes pour y parvenir.
Après une guerre, des élections présidentielles, dans quelle situation économique est aujourd’hui le Mali ?
Economiquement, le Mali sort d’une année 2012 difficile, avec une contraction forte de l’activité dans certains domaines. Les effets cumulés de la crise politique, sécuritaire et de la suspension de la coopération internationale, conséquence du coup d’Etat, avaient alors particulièrement affecté les secteurs secondaires et tertiaires de l’économie malienne. Ces difficultés ont aggravé la situation des personnes les plus vulnérables au Mali, où plus de la moitié de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté. Nous avons consacré une aide humanitaire et alimentaire d’urgence de 5,5 millions d’euros pour leur porter assistance en 2012. L’UE, de son côté, a contribué en matière humanitaire à hauteur de 115 millions d’euros sur la période 2012-2013, dont 42 millions en 2013.
Pour autant, un motif de satisfaction est venu des bonnes récoltes agricoles, après l’excellente saison des pluies en 2012, et du dynamisme du secteur minier, qui ont permis, en partie, d’atténuer l’ampleur de la récession.
Plusieurs signaux sont aujourd’hui passés au vert, et le Mali devrait connaître une croissance importante, de l’ordre de 5%, en 2013. Le rétablissement de la sécurité au Mali, tout comme le redéploiement des autorités administratives sur l’ensemble du territoire, permettent en effet d’envisager un redémarrage. La croissance devrait s’appuyer sur de nouvelles bonnes performances des secteurs agricoles et miniers, en particulier l’exploitation aurifère.
Le Mali pourra également compter sur le soutien de la communauté internationale pour se redresser. Les 3,2 milliards d’euros de financements sur deux ans promis lors de la conférence des donateurs « Ensemble pour le renouveau du Mali », qui s’est tenue à Bruxelles le 15 mai dernier doivent permettre de répondre aux enjeux humanitaires et de relance économique du pays. La contribution de la France, à hauteur de 280 millions d’euros, témoigne de notre engagement.
Quels sont les atouts à disposition du Mali pour se relever ?
Au-delà de ses importantes ressources minières, dont l’exploitation devrait s’accroitre au cours des prochaines années, le secteur industriel poursuit une modernisation rapide. La reprise de l’aide internationale permettra également de financer d’importants programmes en matière d’éducation, de santé et de modernisation d’infrastructures. Ces grands chantiers seront à l’origine de créations d’emplois, mais également d’opportunités pour les entreprises françaises.
L’ouverture du Mali sur le monde constitue un atout considérable, notamment à travers sa diaspora qui reste très active pour mobiliser des capacités de financement de l’économie malienne.
Des crédits substantiels sont prévus pour le Mali dans le cadre européen, notamment au titre du 10e fonds européen pour le développement (2008-2013). Quels sont les domaines pour lesquels ces crédits ont été engagés ?
Les crédits prévus dans le cadre du 10e fonds européen pour le développement, de l’ordre de 533 millions d’euros, ont principalement été consacrés à l’aide budgétaire apportée au Mali, au développement d’infrastructures, à l’appui à la décentralisation au nord du pays, et au soutien à la réforme de l’État et du secteur public.
Le coup d’Etat avait entraîné un gel immédiat de la coopération européenne avec le Mali. A partir du mois d’avril, les progrès politiques sur le terrain ont cependant permis de reprendre l’aide de l’Union européenne. A cette occasion, un programme d’action annuel a été adopté pour un montant de 297 millions d’euros. Il se concentre sur :
- – l’aide budgétaire globale (225 millions d’euros, dans le cadre d’un contrat dit de consolidation de l’Etat) ;
- – des projets d’irrigation et d’assainissement (57 millions d’euros) ;
- – le programme d’appui au processus électoral (15 millions d’euros).
Par ailleurs, des financements complémentaires ont été mobilisés pour répondre en urgence aux besoins prioritaires liés à la crise. Outre l’aide humanitaire, 50 millions d’euros ont ainsi été engagés pour permettre le déploiement rapide de la force africaine de stabilisation.19,5 millions d’euros ont également été versés pour faciliter l’organisation des élections (2 millions d’euros), former et équiper en moyens de transport et de communication les forces de sécurité intérieure et la justice (12,5 millions d’euros) et permettre le retour des services sociaux de base au nord (5 millions d’euros).
Quels rôles joueront les partenaires que sont la France ou l’Union européenne dans le redressement du pays ?
C’est aux autorités maliennes démocratiquement élues qu’il appartient de redresser le pays. La forte mobilisation des Maliens lors du premier tour des élections présidentielles forme un signal positif. Il témoigne de leur volonté d’aller de l’avant et de tourner la page de la crise. Le président qui sera prochainement élu aura ainsi la responsabilité de répondre aux aspirations des Maliens, qui souhaitent pouvoir vivre en paix dans un pays prospère, réconcilié et durablement débarrassé du terrorisme et de la corruption.
La France, en concertation et en lien avec ses partenaires européens et l’UE, restera engagée aux côtés du Mali pour que la sécurité, l’état de droit et le développement du pays soient pleinement assurés.