Symbole dâĂ©mancipation pour les femmes, le pantalon lâa Ă©tĂ© aussi pour les hommes deux siĂšcles auparavant. Ă lâĂ©poque oĂč la cour royale ne jurait que par la fameuse « culotte » et les broderies, simplicitĂ© et confort Ă©taient devenus les mots dâordre de lâhabit rĂ©volutionnaire. Pratique et contestataire, cet accoutrement contredisait audacieusement toutes les conventions propres au XVIIIe siĂšcle. Aux corsets, dentelles et perruques, mĂȘme lâallĂ©gorique Marianne avait prĂ©fĂ©rĂ© arborer un bonnet phrygien ainsi quâun drap en guise de robe. Non moins crĂ©atifs, ses contemporains « dĂ©culottĂ©s » nâhĂ©sitaient pas Ă afficher fiĂšrement leurs opinions tricolores en pleine ville, comme le montre lâexposition Fashioning fashion (Deux siĂšcles de mode europĂ©enne, 1700-1915) au musĂ©e des Arts dĂ©coratifs de Paris jusquâau 14 avril 2013. Plus quâun sentiment patriotique, le gilet rĂ©volutionnaire qui y est prĂ©sentĂ©, entres autres modĂšles, revendique une appartenance sociale au mĂȘme titre que la richesse des boucles de souliers lâĂ©tait Ă la cour.
En pleine pĂ©riode romantique, le corset ne devient plus lâapanage des femmes, puisque les hommes soucieux de leur image en portent Ă©galement pour affiner leur silhouette. Une « taille de guĂȘpe » tout autant convoitĂ©e par les dandys anglais, Ă©tonnantes crĂ©atures vĂȘtues de pantalons, chemises et cravates tranchant avec la culotte toujours en vogue. CritiquĂ©s par leurs contemporains, leur sobriĂ©tĂ© exemplaire leur vaudra pourtant le titre dâarbitrum elegantiarum (arbitre des Ă©lĂ©gances) Ă la cour britannique. De lâautre cĂŽtĂ© de la Manche, câest Ă lâĂ©crivain français Jules Barbey dâAurevilly de ressusciter ce courant avec une volontĂ© bien particuliĂšre, celle de crĂ©er « une nouvelle aristocratie non plus de naissance, mais de lâesprit ». Un ordre social dâesthĂštes qui aurait distinction et Ă©rudition pour fondements.
De nos jours, seuls les boutons de manchette ont gardĂ© ce rĂŽle de « marqueur social », notamment dans les familles bourgeoises. Si lâindustrialisation et lâavĂšnement du prĂȘt-Ă -porter ont relĂ©guĂ© les commandes individuelles au second plan, la connotation symbolique de certains vĂȘtements nâest pas en reste. Ă commencer par un classique des penderies. Dâabord instrument de conquĂȘte dĂ©mocratique, le pantalon devient lâemblĂšme du rejet du patriarcat par les fĂ©ministes du XXe siĂšcle. Il faudra nĂ©anmoins attendre les annĂ©es 1960 pour que le couturier Yves-Saint Laurent en fasse un incontournable de la garde-robe des femmes Ă©mancipĂ©es et indĂ©pendantes. Ă peine 50 ans plus tard, le 25 novembre 2010, « La journĂ©e de la jupe » devient leur nouveau moyen de lutte contre les remarques sexistes et les injures. Un revirement sans pareil pour un vĂȘtement millĂ©naire dĂ©sormais fortement connotĂ© Ă©rotiquement.
Vindicative, provocante et parfois mĂȘme dĂ©tonante, lâexpression vestimentaire fait depuis longtemps partie des us et coutumes des hommes politiques comme du grand public. Parfois mĂȘme Ă contresens. Pendant que les joyaux de la couronne britannique reprĂ©sentent encore aujourdâhui les attributs du pouvoir royal, trois crĂ©ateurs parisiens ont dĂ©cidĂ© de mettre la mode au service de la rĂ©conciliation en crĂ©ant lâI-kef, ou le « keffieh juif ». Cet hybride culturel cherche Ă transmettre un message de paix imprimĂ© en hĂ©breux sur le tissus alors quâen Orient le conflit israĂ«lo-palestinien ne semble pas prĂȘt de prendre fin. Chapeau pour ces couvre-chefs !