À en croire le Centre national du cinéma (CNC), le cinéma français se porte bien : selon son bilan 2012, 279 films ont été produits l’an passé. La France réaliserait en moyenne 10 % de films de plus que l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie, ce qui selon le CNC « permet une part de marché élevée entrainant un cercle vertueux autour de la salle de cinéma ». Par ailleurs, si le budget moyen des productions françaises a baissé de 6,5 %, cela s’explique en partie par l’augmentation de 5,2 % des films dits « d’auteur » (budget inférieur à 1 million d’euros).
Pourtant, Vincent Maraval dans une tribune très remarquée du Monde, estime que « l’année (2012) du cinéma français est un désastre ». Pour le fondateur de la société de distribution Wild Bunch, nous produisons des films beaucoup trop onéreux, qui pour la majorité d’entre eux aboutissent à un désastre économique. Comparant les salaires des acteurs français et américains, étonnamment plus petits, Maraval dénonce avec ironie « le miracle du système de financement du cinéma français » qui finalement subventionne indirectement les salaires de quelques comédiens plutôt que d’aider l’innovation et la prise de risque.
En réponse à ces polémiques, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, en partenariat avec le CNC, a convoqué des « Assises pour la diversité du cinéma français ». La commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication du Sénat a accueilli dans ce cadre, le 30 janvier, une table ronde sur l’économie du film français afin d’éclairer les sénateurs sur les possibilités d’intervention des pouvoirs publics pour aider le septième art. Étaient présents Michel Hazanavicius, réalisateur du fameux The Artist et président de la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP) ; le producteur Thomas Langmann, l’acteur Vincent Pérez, la présidente du Syndicat des agents artistiques et littéraire Elisabeth Tanner et Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal +.
Tous les intervenants ont considéré les polémiques, lancées par l’exil de Gérard Depardieu et alimentées par la tribune de Vincent Maraval, comme étant catégorielles et circonstancielles, ne représentant qu’un dysfonctionnement d’un système globalement efficace. Tous ont rendu hommage au septième art français, envié du monde entier, et riche par sa diversité puisque comme l’a souligné le réalisateur de The Artist, « il n’y a pas un mais des cinémas français ».
Il sera donc difficile de légiférer globalement, et les pouvoirs publics restent ainsi cantonnés au rôle d’organisateur des subventions. D’abord, une réforme du crédit d’impôt, lequel ne permet pas d’attirer assez de tournages sur le sol français, s’impose. Ensuite, l’avance sur recettes, dispositif mis en place pour aider à la création, doit être réformée puisque par exemple Polisse et The Artist, dont les succès n’étaient pas forcément prévus, n’en ont pas profité. Les montées sur recettes doivent également être plus transparentes car comme le signalait un rapport du CNC en septembre 2011, ce dispositif permet à certains professionnels de « justifier l’exigence de rémunérations minimales importantes ». Et surtout, les professionnels ont gravement appelé les législateurs à agir pour la protection de leurs films face aux nouveaux enjeux du numérique et d’internet, question sur laquelle Pierre Lescure rendra ses conclusions en mars 2013. Thomas Langmann a répété à plusieurs reprises que le cinéma français était victime de son succès. Il a également insisté sur l’importance des « blockbusters » qui servent réellement, d’après son expérience, à produire des films à plus petits budgets. Les Astérix ont par exemple financé The Artist.
Ainsi, le monde du septième art doit en partie s’autoréguler à cause de sa diversité. Ces réunions ont en effet posé des questions intéressantes, mais amené peu de réponses. De nouvelles assises sont convoquées en juin pour conclure cette phase de concertation.