L’idée d’une union des pays européens est un enfant de la guerre. Au terme d’un conflit destructeur, les dirigeants sont convaincus des dangers de l’autarcie et des nationalismes. À côté des empires soviétique et américain, l’Europe ne peut garder sa place dans le monde que si elle fédère ses efforts et partage ses ressources. Dès 1946, Churchill invite les Européens à s’unir pour s’opposer aux visées de Moscou. Deux ans plus tard, les États généraux de l’Europe se tiennent à La Haye, en présence de la plupart des responsables politiques. Il en sort la création du Conseil de l’Europe, dont font partie quinze pays et qui s’établit à Strasbourg, signe de la réconciliation franco-allemande.
Sans pouvoir, ce Conseil a surtout valeur de symbole. Pour avancer plus vite et plus fort, Jean Monnet, alors commissaire au Plan, choisit de passer par l’économie et imagine une mise en commun sous une autorité plurinationale des ressources charbonnières et sidérurgiques. Comment mieux prévenir la guerre qu’en dessaisissant la France et l’Allemagne des moyens de la faire ? Le projet deviendra le plan Schuman et, en décembre 1951, l’Assemblée nationale ratifie par 377 voix contre 233 le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Six pays (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) fondent ainsi le noyau d’une future communauté économique.
La marche vers toujours plus d’union sera longue et semée d’embûches. Elle opposera fédéralistes et partisans d’une Europe des nations, socialistes et communistes, démocrates-chrétiens et gaullistes. Il y aura l’échec de la Communauté européenne de défense (CED), en 1954, mais les pro-européens persistent. Le 25 mars 1957, deux traités sont signés à Rome, conclus pour une durée illimitée : celui sur la Communauté économique européenne (CEE), visant à la constitution d’un marché unique, et celui sur l’Euratom. Une union douanière est mise en place en 1968.
Un double mouvement d’approfondissement et d’élargissement s’engage, aux effets parfois difficiles à concilier. De plus en plus de pays souhaitent participer à cette CEE à la prospérité grandissante. L’Europe passe ainsi à neuf en 1973 (Danemark, Royaume Uni, Irlande), à dix en 1981 (Grèce), à douze en 1986 (Espagne et Portugal), à quinze en 1995 (Autriche, Finlande, Suède), à vingt-cinq en 2004 (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie), à vingt-sept en 2007 (Roumanie, Bulgarie).
Dans le même temps, les pays européens renforcent leurs politiques communes. Il y a eu la PAC (politique agricole commune), puis les accords de Schengen (1985) qui prévoient la suppression progressive des frontières et la libre circulation des personnes, et l’Acte unique européen (1986), qui fixe l’entrée en vigueur du marché intérieur unique au 1er janvier 1993. Le traité de Maastricht (1992) crée l’Union européenne, qui se constitue de trois piliers : les Communautés (CECA, CE, CEEA), la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures (JAI). Il lance l’Union économique et monétaire (UEM), qui fera de l’euro la monnaie unique de onze, puis 17 pays (1999, 2002).
Ce double mouvement pose la question des institutions. Elles se démocratisent : élection du Parlement européen au suffrage universel direct (1979), renforcement de ses pouvoirs de contrôle (1992), élargissement des domaines de codécision entre le Parlement et la Commission (2007)… Mais elles oscillent toujours entre délégations de pouvoir des États nationaux et abandons volontaires de souveraineté. Le rejet référendaire en France du projet de “Constitution Giscard” (2005) témoigne des réticences populaires face à des ambitions fédéralistes. Le traité de Lisbonne (2007) a semblé vouloir passer outre les opinions publiques. Les crises économiques, monétaires et sociales ont transformé les interrogations en doutes.