Clair comme de l’eau de roche. Que cette expression puisse difficilement être appliquée à la sphère financière, les consommateurs l’ont bien compris depuis 2008. Et particulièrement par la montée en puissance du “shadow-banking“, un système bancaire aucunement régulé qui ne cesse de se développer en dépit des risques qu’il comporte.
Cet ensemble que Philippe Marini, président de la commission des finances décrit com-me “diffus, varié et mal connu des structures juridiques et d’activités économiques” se compose essentiellement de fonds monétaires et de hedge funds en lien étroit avec les structures traditionnelles. Fonctionnant sur le même principe que les banques d’investissement, les actifs qu’il gère sont au- jourd’hui évalués à plus de 46 000 milliards d’euros. Un enjeu conséquent. Si aujourd’hui le rôle du shadow banking dans le financement de l’économie réelle est pour le moins considérable, son risque systémique (les acteurs et les produits de ce secteur étant extrêmement nombreux et aucunement contrôlés) l’est certainement encore plus. Traumatisées par la crise économique dont elles subissent encore les conséquences, les banques classiques se montrent néanmoins favorables à une désintermédiation qui facilite l’accès direct vers le marché.
Un marché dont l’instabilité actuelle rend pourtant indispensables les médiateurs qu’elles sont. Pour Philippe Marini, l’accroissement récent du shadow banking en Europe s’explique par un “redressement de la réglementation qui a poussé certaines activités hors des banques “.
La cigale et la fourmi, tel est le paradoxe essentiel à ce défaut de vigilance. À en croire Jean Arthuis, sénateur et ancien ministre de l’Économie et des Finances, “les systèmes traditionnels sont pris dans une dynamique de profit qui ajourne sans cesse le retour à la réalité”. Si la régulation du système bancaire parallèle est à l’ordre du jour au G20, l’avènement d’une gouvernance européenne en la matière permettrait de rentrer dans une logique d’harmonisation et de stabilité. La condition étant qu’elle s’adapte au paysage économique de chaque pays pour éviter d’éventuels arbitrages. Une question de bon sens lorsque l’on sait que le “rôle du shadow banking change d’une juridiction à l’autre”, ainsi que l’affirme Hervé de Villeroché, chef du service du financement de l’économie à la direction générale du Trésor. Pour ne citer qu’un exemple, aux États-Unis le système parallèle représente plus de 80 % du financement alors qu’en France le marché est bien plus surveillé. Si le spécialiste souligne les difficultés qu’une régulation internationale implique, il affirme en revan-che qu’une “réglementation communautaire verra le jour dans les prochains mois”, avec deux chantiers prioritaires : la valeur liquidative constante et le prêt-emprunt de titre.
Resserrer les vis serait en revanche aussi inutile que dangereux. Pour Jean Germain, sénateur d’Indre-et-Loire, “le redressement incite le recours au système parallèle comme la prohibition a autrefois développé la vente d’alcool sous le manteau.” Sans interdire ces entités, la régulation à venir devra néanmoins garantir une certaine “transparence“, qu’il s’agisse d’obligations de reporting des agences de gestion ou d’une simplification des produits en matière de titrisation. À l’heure où la nature des entités parallèles continue de faire débat, les diaboliser en prétextant leur risque systémique serait pour le moins simpliste : la fine fleur de la gestion n’a pas pu empêcher l’effondrement de grands noms comme le Crédit Lyonnais. La nécessité d’une supervision européenne ne fait quant à elle plus aucun doute. Si les pays membres ne mettent pas en place un dispositif de contrôle cohérent d’ici peu, ce manquement pourrait finir de réduire le statut économique de l’UE à celui de nain.