Le Président de la République a bien l’intention de poursuivre au même rythme les réformes entamées depuis six mois (Code du travail, moralisation de la vie publique, etc.). L’année qui débute fait plus que jamais figure de page blanche. C’est la première année “pleine” du mandat. Celle où le nouveau locataire de l’Elysée sera le plus observé et amené à faire ses preuves.
Ces chantiers qui s’annoncent relèvent de la volonté de réforme du nouvel exécutif. Lors de ses vœux à la presse, le chef de l’Etat a tenu à rappeler son intention de mener ces réformes à marche forcée “avec le même rythme, la même intensité”.
“Et si, pour une fois, un candidat élu tenait parole ?”
Est-ce un défaut de jeunesse ? La fougue du Président de la République lui dicte de tout mettre en œuvre, tout de suite et sans tarder. Emmanuel Macron se donne trois semestres en effet, pour entamer l’ensemble des promesses électorales pour lesquelles il a été élu. “Je continuerai à faire ce pourquoi vous m’avez élu” a-t-il déclaré lors de ses vœux aux Français. L’attitude tranche avec celle de ses prédécesseurs. Le “Travailler plus pour gagner plus” de Nicolas Sarkozy est assez rapidement passé du programme de campagne au simple slogan. Quant au “Moi Président” de François Hollande, les Français ont compris progressivement qu’il ne signifiait guère qu’un “moi candidat” dès lors que l’inversion du chômage, la réduction des déficits publics ou encore le droit de vote des étrangers n’ont plus été qu’un souvenir. Le public, blasé, devrait avoir compris depuis longtemps que, pour reprendre une formule célèbre, les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Toujours est-il que ce même public fait semblant de penser que, désormais, plus rien ne sera comme avant. L’âge du Président de la République y est pour beaucoup. Elu à même pas 40 ans, le jeune chef de l’Etat capitalise sur lui l’espoir de toute une génération… et celle de ses parents. Cette génération-là fait mine de penser que, jeunesse aidant, les pratiques politiques ne seront plus les mêmes. Emmanuel Macron ne fait pas partie des vieux briscards de la politique. Les gens de son âge n’ont pas connu l’art de la duperie qui, bien souvent, a marqué en France l’exercice du pouvoir. Ils ignorent tout en large partie du clientélisme. Et s’il prenait au pied de la lettre ses promesses de campagne ? Les réformes sociales sont la pièce maîtresse des chantiers 2018. On reproche souvent au Président de la République et à son Premier ministre de diriger un “gouvernement des riches”. Volontairement, la priorité a été donnée à ce thème qui parle au plus grand nombre y compris aux plus défavorisés.
Les réformes sociales sont la pièce maîtresse des chantiers 2018.
L’assurance chômage universelle
C’est sans doute une mesure qui frappe le plus l’imagination du monde du travail. Celle qui couvrait jusqu’alors les salariés ayant subi un licenciement économique devrait être désormais étendue aux démissionnaires et indépendants. Un patron ne pourra-t-il désormais plus dire à ses employés : “Moi, si la boîte ferme, je ne toucherai pas le chômage” ? Rien n’est moins sûr. Le coût de la mesure ? Plusieurs milliards d’euros peut-on dire de façon imprécise. Le budget évoqué varie parfois presque du simple au double 8 à… 14 milliards ! Son financement ? La hausse de la CSG étendue désormais aux petits retraités. Sera-t-elle suffisante ? Syndicats et patronat qui financent actuellement l’assurance chômage voient enfin cette révolution d’un très mauvais œil. L’Unédic qui verse aujourd’hui l’allocation est déjà endettée de 30 milliards d’euros. L’organisme craint également d’être écarté du financement de l’assurance chômage.
Contrôle des chômeurs : “rien de choquant”
C’est une autre mesure de réforme de l’assurance chômage. Là où ailleurs en Europe, le versement des allocations chômage est soumis à contrepartie, la France, elle, versait aveuglément aux sans-emplois leur indemnité. Emmanuel Macron l’a dit : il n’y a “rien de choquant” à instaurer un contrôle accru. Rien à l’heure actuelle n’est fixé. On évoque cependant une réduction de moitié de deux mois des allocations dans trois cas : l’absence de recherche d’emploi, le refus d’une formation ainsi que le refus de deux offres jugées convenables. La réforme songe également à instaurer un “rapport d’activités mensuel” des chômeurs. Quant à la non réponse aux convocations de Pôle Emploi, elle pourrait s’assortir d’une baisse de 20% pendant un mois des indemnités. Cette mesure de contrôle accru se heurte à deux obstacles. L’un est moral. Le contrôle revient à culpabiliser des travailleurs privés d’emploi qui dans leur immense majorité ne sont pas responsables de leur situation. L’autre est celui de l’efficacité. Des études montrent que les “punitions” infligées en cas de manquement des chômeurs à leurs obligations, loin d’encourager le retour à l’emploi, favoriseraient au contraire la sortie du marché du travail. Dès 2018 également, devrait aboutir la modernisation de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Un projet de loi sur la “croissance et la transformation des entreprises” et un plan de lutte contre la fraude fiscale devraient être présentés. La réforme des retraites, elle, ne devrait aboutir qu’en 2019.
Le contrôle revient à culpabiliser des travailleurs privés d’emploi qui dans leur immense majorité ne sont pas responsables de leur situation.
NDDL, vitesse à 80 km/h : dès janvier !
Plus éloignés des questions d’économie et d’emploi, ces deux sujets n’en sont pas moins très politiques. La construction de l’aéroport de Notre-Dame des Landes en Loire-Atlantique a pris en quelques années des airs de petit Larzac. Une décision a enfin été prise courant janvier. La non construction de l’aéroport était attendue. Elle apparaît à plus d’un titre comme une mesure de bon sens à l’heure où l’on promeut le développement durable. Plébiscitée par les uns, vilipendée par les autres, la baisse de la vitesse sur les routes secondaires de 90 à 80 km/h a été annoncée le 9 janvier. “Si, pour sauver des vies, il faut être impopulaire, j’accepte de l’être”, a affirmé le Premier ministre. 200, 400 voire 600 vies sauvées par an ? Il se dit que les expérimentations menées n’ont guère été concluantes. Tout au plus la baisse de la vitesse influencerait-elle sur… les bouchons !
Le projet de loi asile et immigration pour le printemps
Son ambition est d’accueillir plus de réfugiés mais d’expulser ceux qui ne peuvent obtenir la protection de la France. Les délais de demande de droit d’asile doivent être réduits à 6 mois. La durée légale de rétention devrait en revanche être portée à 90 jours. Les expulsions, enfin, pourront se faire vers des pays non européens. Il s’agit d’un raidissement des conditions d’accueil des réfugiés en contradiction avec l’engagement d’Emmanuel Macron pendant sa campagne. Le projet verra-t-il le jour ? Réponse au Parlement au printemps 2018.
Réforme constitutionnelle avant l’été
Les députés et sénateurs, le nouveau Président de la République les veut à la fois moins nombreux, plus efficaces et plus représentatifs. C’est l’avis émis au Congrès de Versailles de juillet 2017. L’objectif ? Réduire d’un tiers le nombre de parlementaires. Les prochaines législatives devraient voir les députés passer de 577 à 385 et les sénateurs de 348 à 232. Cette réforme parlementaire devrait s’assortir de l’introduction d’une part de proportionnelle. Elle devrait également à 3 mandats l’élection des parlementaires. Gérard Larcher, président du Sénat, a fait récemment savoir ses réticences dans son rapport rendu le 24 janvier. Cette révision constitutionnelle est assortie d’autres mesures. Parmi elles, citons la suppression de la Cour de Justice de la République réservée aux membres du gouvernement ou encore le renforcement de l’indépendance des magistrats. Les anciens Présidents de la République ne siégeront plus non plus automatiquement au Conseil constitutionnel. Et le Conseil Economique Social et Environnemental sera rénové. Le texte devrait être voté avant l’été 2018.
Les députés et sénateurs, le nouveau Président de la République les veut à la fois moins nombreux, plus efficaces et plus représentatifs.
Plan fac : effectif à la rentrée
Le projet de loi “orientation et la réussite des étudiants” est actuellement examiné au Sénat. Il devrait être définitif fin février. Il prévoit la “prise en charge personnalisée” des futurs étudiants. Il transformera le cursus de licence. Il concerne les conditions d’accès à l’Université dans certaines filières. Ces “prérequis” sont l’objet de vives critiques de la part de l’opposition qui l’assimile à de la sélection.
Indépendance de la Nouvelle-Calédonie : réponse en novembre
Les accords de Nouméa de 1998 concluaient sur la tenue d’un référendum dans les 20 ans. En 2018, donc, ce sera chose faite. Cela a été confirmé en octobre dernier. La consultation devrait intervenir en novembre 2018 même si la date précise n’a pas encore été retenue. La constitution du corps électoral était un sujet brûlant. Elle a finalement conclu au droit de vote pour les résidents de 20 ans d’ancienneté, soit 158 000 électeurs. A la fin des années 80, l’archipel avait été le théâtre d’affrontements entre Européens et autochtones. Les accords de Matignon de 1988 avaient clos cette période de troubles. D’autres promesses de campagne d’Emmanuel Macron devraient être lancées en 2018. Les Etats Généraux de l’alimentation de décembre devront être traduits dans la loi fin janvier. Un projet de loi de programmation militaire a été déposé en février. En février toujours, le projet de loi “évolution du logement et évolution numérique” (ELAN) doit simplifier les règles en matière d’urbanisme, la délivrance des permis de construire ainsi que la mixité sociale. En février enfin, les conclusions sur l’évolution du Grand Paris ont été formulées. Le plan pauvreté doit être déposé en mars. Au printemps également, un plan contre les violences faites aux femmes. 2018 devrait enfin voir une refonte de l’audiovisuel public, l’interdiction du téléphone portable dans les écoles et collèges ou encore le plan villes, la création d’une police de sécurité du quotidien, le “droit à l’erreur” auprès de l’administration et un “Pass Culture” de 500 euros pour les jeunes de 18 ans.