Selon le sondage OpinionWay réalisé en mai, plus de 90 % des Français préfèrent vieillir à domicile plutôt que d’intégrer une maison de retraite. L’habitat adapté et abordable est-il une réalité à ce jour ?
Ce résultat n’a rien de surprenant puisque 90 % des plus de 85 ans et un centenaire sur deux demeurent chez eux au lieu d’intégrer une maison de retraite ou de déménager dans un logement adapté. Ce choix, en plus d’être affectif, est devenu économique : bien qu’elles soient majoritairement propriétaires, ces personnes ne perçoivent en moyenne que 915 euros par mois. Cette conjonction fait de l’adaptation de l’habitat existant un véritable enjeu que la France n’a toujours pas intégré à ses priorités. Notamment à cause d’une conscience collective qui confond “vieillissement” avec “vieillesse”. Pourtant, la grande dépendance n’apparaît qu’à un âge très avancé, et le fléau de la dépendance accidentelle peut-être prévenu par l’adaptation du logement.
Quelles mesures pourraient contribuer au maintien à domicile et quels en sont les avantages ?
La Belgique vient de mettre en place un prêt à taux zéro pour l’adaptation de l’habitat, c’est un exemple à suivre. Et la Fédération française du bâtiment reprend certaines propositions de mon deuxième rapport de mission ministérielle. Celle de développer le label professionnel existant, qui réduirait les délais de réalisation des travaux nécessaires à la sécurité des personnes âgées. Mais aussi celle d’aménager le crédit d’impôt de 5 000 euros, ouvert depuis 2005, qui compense 25 % du coût des équipements favorisant l’autonomie de vie dans l’habitation principale : l’encadrer de conditions d’âge (70 ans) et de ressources (plafonds de l’ANAH) d’une part, pour cibler les personnes les plus fragiles, et offrir d’autre part la possibilité de le transférer aux descendants qui financent les travaux sans recourir aux aides publiques. Contrairement aux 2 000 euros mensuels que coûte un hébergement spécialisé, l’aménagement d’un logement existant revient au total à 4000 euros. En termes de coûts et de délais, le transfert de ce crédit d’impôt aurait donc un impact significatif immédiat, d’autant plus qu’il ne sollicite aucune dépense publique supplémentaire. Enfin, inventer le viager HLM résoudrait le problème des logements vacants en centre-ville et bourgs, en exploitant l’habitat existant pour créer une offre nouvelle adaptée au vieillissement.
Le “Design for all” est une tendance en plein essor… Quelle réponse apporte-t-elle à ces nouveaux enjeux ?
Ce concept de “confort partagé” implique la création d’espaces, d’objets et de services utilisables par le plus large éventail possible d’usagers. Au-delà des habitats individuels, ce sont aussi les espaces publics et les parties communes des bâtiments qu’il faut aménager ! Seule la fluidité de ces trois aspects permettra le maintien à domicile, car vieillir en conservant son environnement est une garantie de bonne santé, même si elle implique de sacrifier quelque peu l’esthétique au confort de l’usage. Chemins lumineux, sonnette visuelle, robinets mitigeurs, autant d’éléments de vie utiles aux personnes âgées comme aux enfants en bas âge par exemple !
En écho aux 12 propositions de votre dernier rapport, quelles sont les priorités en matière de prévention des situations de grande dépendance ?
2012, année européenne du vieillissement a permis de mettre en lumière un certain nombre d’enjeux, notamment celui des femmes face à l’avancée de l’âge. Vivant plus longtemps et souvent moins bien rémunérées, elles seront, d’ici peu, gravement exposées au risque de pauvreté. C’est pourquoi l’intérêt d’aménager le crédit d’impôt “adaptation” ne fait pour moi aucun doute. Mais pour rendre les politiques publiques plus cohérentes dans ce domaine, il est urgent de procéder à une évaluation budgétaire consolidée du coût du vieillissement. Enfin, l’identification des personnes isolées, particulièrement en milieu rural, doit être améliorée, grâce à une coordination des professionnels et des acteurs de proximité.