Alors que la France manque de médecins, la télémédecine ouvre de nouvelles possibilités avec un meilleur accès aux soins à distance. La plateforme Medadom permet même d’obtenir une consultation dans la journée depuis son canapé. En-tretien avec Nathaniel Bern, le co-fondateur de l’application.
La télémédecine est une autre manière de soigner, avec les mêmes exigences de qualité et de sécurité que des actes classiques, visant à répondre à des défis tels que le vieillissement de la population ou encore la désertification médicale. Comment cette pratique est-elle encadrée aujourd’hui par la loi ?
Il faut savoir que la télémédecine regroupe un ensemble de pratiques (télésurveillance, télésoin, télé-assistance, téléconsultation, etc.) dont certaines sont déjà encadrées alors que d’autres figurent dans le projet de loi Santé.
La téléconsultation est par exemple déjà encadrée par l’avenant 6 à la convention médicale décidée à l’été 2018, qui définit les conditions dans lesquelles celle-ci peut être réalisée. L’objectif ? Conserver le patient dans un parcours de soins coordonné en réalisant l’intervention soit par son médecin traitant, soit par un autre qui transmettra ensuite le compte-rendu médical à ce dernier.
Le télésoin – qui met en relation un patient avec un pharmacien d’officine ou un professionnel de santé paramédical – sera quant à lui au cœur du projet de loi Santé actuellement porté par la ministre Agnès Buzyn.
Dans quelle mesure les Français y ont-ils actuellement recours ? Lui accordent-ils la même confiance qu’à une consultation traditionnelle ?
La Sécurité sociale a récemment sorti un rapport sur le nombre de téléconsultations réalisées depuis leur généralisation le 15 septembre 2018 : 8000 d’entre elles ont été remboursées à ce jour. L’adoption de cette pratique est donc assez lente puisque l’on est bien loin de l’objectif fixé à 500 000 téléconsultations en 2019. Si les patients sont assez mal informés sur ce que la téléconsultation peut leur apporter, les professionnels de santé doivent eux aussi se réunir pour appréhender ce nouvel exercice.
Plus tôt un patient sera pris en téléconsultation, moins sa pathologie aura de chances de s’aggraver.
Existe-t-il des lieux dédiés à des consultations par télémédecine ? On parle notamment de « cabines » installées dans les maisons de santé en milieu rural…
La pharmacie est le lieu dédié à la télémédecine par excellence puisqu’elle vient d’être encadrée par l’avenant 15 à la convention médicale en décembre dernier. Celui-ci permet au pharmacien de réaliser des téléconsultations pour ses patients au sein même de son local, en lien avec un médecin. Les maisons de santé ne sont en revanche pas encore encadrées au sens strict du terme, mais le seront à terme à la condition qu’un professionnel de santé – médical ou paramédical – soit présent aux côtés du patient pour l’accompagner.
La télémédecine a-t-elle une incidence sur l’absentéisme au travail ?
Je pense qu’il est encore trop tôt pour donner des chiffres, mais l’effet est plutôt positif avec la volonté du gouvernement de réguler les soins en amont. Autrement dit : plus tôt un patient sera pris en téléconsultation, moins sa pathologie aura de chances de s’aggraver.
Vous avez fondé la plateforme Medadom il y a deux ans afin de faciliter la prise de rendez-vous et l’obtention d’une visite d’un médecin à domicile dans la journée. Pourriez-vous en dire plus à son sujet ?
Medadom a été fondée en 2017 face à trois constats : l’engorgement actuel des services d’urgences, une très forte difficulté à trouver un médecin rapidement pour des soins non programmés, et enfin l’évolution de la profession médicale. Les jeunes médecins n’ont en effet plus les mêmes aspirations que leurs confrères et ont besoin de plus de flexibilité.
C’est pourquoi nous avons décidé de créer cette plateforme afin de mettre en relation des patients avec des médecins pour une visite à domicile en moins de deux heures, ou pour une téléconsultation.
Les jeunes médecins n’ont plus les mêmes aspirations que leurs confrères et ont besoin de plus de flexibilité.
Quel premier bilan pourriez-vous tirer de son utilisation par les professionnels comme par les patients et comment comptez-vous la développer à moyen terme ?
Côté patient, le bilan est très positif même s’ils connaissent pour la plupart assez peu la téléconsultation. Avec Medadom beaucoup y ont recourt pour la première fois ! La grande majorité en ressort même extrêmement satisfaite et n’hésite pas à renouveler l’expérience en cas de besoin. Une bonne surprise, en somme.
Quant aux professionnels de santé, ce nouvel exercice vient compléter leur activité clinique tout en leur donnant plus de flexibilité. La téléconsultation leur permet également de prendre en charge des patients situés dans des déserts médicaux sans avoir à s’y installer.
Pour ces prochaines années notre ambition vise à ce que Medadom s’adresse à l’ensemble de la population et non seulement à un public relativement technophile qui aurait entendu parler de la téléconsultation. A cet effet nous souhaiterions travailler avec les pharmacies sur l’ensemble du territoire français, afin que nos services soient accessibles à tous.
A quels défis d’après vous les professionnels de la santé vont-ils devoir faire face très prochainement ?
Le défi principal est celui du numérique : le projet de loi Santé prévoit même un grand volet qui lui est consacré pour accompagner les professionnels à s’y adapter. Sans oublier qu’avec le vieillissement de la population, les médecins vont devoir toujours plus travailler à distance par voie digitale pour prendre en charge l’ensemble de leurs patients.
L’intelligence artificielle et ses algorithmes joueront également un rôle majeur dans le diagnostic d’une pathologie. Ils viendront compléter le travail du médecin sans le remplacer pour autant, le tout dans l’objectif d’augmenter sa capacité à donner une réponse médicale de qualité.