Si la reconstruction de Notre-Dame après l’incendie ne commencera qu’au début 2020, cet évènement a tout de même permis de mettre en lumière la problématique de la préservation du patrimoine dans son ensemble. Entretien avec Guy Sallavuard, directeur des relations institutionnelles de la Fondation du Patrimoine.
Après l’incendie, des appels à la générosité se sont multipliés sans que l’on puisse toujours « tracer » leurs auteurs. Quel est le meilleur moyen d’être sûr que les dons arriveront à bon port ?
C’est un sujet qui s’est compliqué avec l’idée que beaucoup d’argent serait récolté. La réalité est maintenant beaucoup plus apaisée sachant que la totalité des dons des particuliers seront bien affectés à la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame. Dans l’éventualité où les sommes collectées dépasseraient le montant des travaux, c’est avec les « très grands donateurs » qu’une négociation serait menée pour reporter éventuellement l’excédent sur un ou plusieurs autres projets.
La Fondation du Patrimoine a collecté à elle seule plus de 221 millions d’euros auprès de 233 000 donateurs provenant de 152 pays. Près de 20 000 dons ont été reçus par courrier postal , sous forme de chèques bancaires accompagnés d’une lettre Pendant deux mois une brigade de bénévoles est venue nous porter main forte pour lire les lettres et saisir les chèques. Certains jours nous recevions plus de 2500 enveloppes ! Quelques donateurs conditionnent leurs dons à la certitude d’une restauration à l’identique.
La Fondation du Patrimoine a collecté à elle seule plus de 221 millions d’euros auprès de 233 000 donateurs provenant de 152 pays.
L’émotion créée par l’évènement a stimulé la générosité des Français, mais nombre de projets patrimoniaux ne risquent-ils pas de ce fait d’être délaissés ?
Oui et non. Au tout début, on pensait effectivement que cet afflux sans précédent risquait de siphonner la philanthropie dans son ensemble. C’est une des raisons qui nous ont conduit à arrêter la souscription en faveur de Notre Dame de Paris un mois après l’incendie dès lors que le montant de 800 millions d’euros avait été atteint : soit plus ou moins l’ordre de grandeur des travaux, et sachant que trois autres organismes continuaient la collecte. Nous devions revenir à notre mission première de sauvegarde du patrimoine non protégé et en péril sur l’ensemble du territoire.
Cet incendie a toutefois révélé la fragilité mais aussi les menaces qui pèsent sur notre patrimoine : ainsi a été lancée une nouvelle campagne « Plus jamais ça » pour constituer un fonds d’urgence dédié au patrimoine en péril et faire grandir ainsi l’élan de solidarité qu’a permis Notre-Dame. La prise de conscience est bien réelle comme en témoignent les premiers résultats. J’espère que cet effet d’entrainement se poursuivra !
Une chose est sûre : cet évènement tragique est inédit à tous les niveaux et fera date dans l’histoire de la philanthropie et du patrimoine en France !
Après un fort engouement des élus locaux et des conseils municipaux, on assiste aujourd’hui à des refus de vote dans certaines communes de subsides destinés à la reconstruction de Notre-Dame. Pensez-vous qu’un certain seuil de saturation ait été atteint ?
Je pense que certaines communes se sont désistées en raison du succès qu’a remporté la collecte, considérant qu’une « petite » contribution ne pèserait pas grand-chose dans la balance : autant la laisser pour le budget municipal . Il se peut aussi que certains élus portés par l’émotion se soient rapidement déclarés mais que l’assemblée délibérante de leur commune n’ait pas confirmé leur engagement. Pour cette raison je pense qu’il y aura une petite baisse par rapport aux promesses de dons initialement annoncées.
Peut-on émettre raisonnablement l’hypothèse qu’il y aura trop d’argent pour le chantier de Notre-Dame et que le surplus pourrait-être affecté à d’autres projets ?
Non, tout simplement parce que les études d’état du bâtiment viennent à peine de commencer. C’est seulement après ce travail de diagnostic qu’une estimation précise du coût total du chantier pourra être faite par les entreprises spécialisées. Une chose est sûre : cet évènement tragique est inédit à tous les niveaux et fera date dans l’histoire de la philanthropie et du patrimoine en France !
Copyright de l’image à la Une : Jérémy Melloul.