L’intitulé d’un portefeuille ministériel est un détail qui semble n’intéresser que les journalistes et les politologues, il est pourtant toujours révélateur d’un choix politique : d’un côté, le maintenir d’un gouvernement à l’autre est un signe évident de continuité ; de l’autre, le transformer, que ce soit en le rétablissant ou en le créant, est un marqueur essentiel d’une volonté de rupture.
La volonté de rupture n’est pas toujours un gage de succès, que l’on songe à la longue liste des intitulés qui n’ont pas survécu à leur titulaire, que ce soit le ministère du temps libre ou celui du redressement productif. A l’inverse, l’environnement, les droits des femmes ou même l’emploi ont pu susciter la même incompréhension au moment de leur création avant de devenir des pièces essentielles de tout gouvernement.
Qu’en est-il de l’économie sociale, solidaire et responsable, puisque c’est l’honneur de ce gouvernement de s’être lui aussi risqué à imposer un nouveau portefeuille ? D’un côté, il ne fait pas de doute qu’il était temps de redonner à l’économie sociale et solidaire, singulièrement consolidée par la loi de 2014, toute sa place dans un secrétariat d’Etat de plein exercice, rattaché à Bercy : c’était une demande des acteurs, c’était aussi un souhait du gouvernement. De l’autre, il est apparu évident que ce changement d’échelle dans l’architecture ministérielle devait aussi se traduire par un changement d’échelle dans l’ambition portée par le secteur.
Car, depuis plusieurs années, il apparaît que l’économie sociale et solidaire ne peut plus se réduire à cinq familles qui partagent un statut fondé sur la gouvernance démocratique et des valeurs axées sur la non-lucrativité ou la lucrativité limitée. Depuis plusieurs années, les cinq familles de l’économie sociale et solidaire se sont en effet trouvé, sinon des frères, du moins des cousins en la personne d’entreprises issues des canons les plus classiques du marché mais qui partagent leur envie d’une gouvernance plus démocratique et d’un engagement social et écologique et non plus simplement la recherche du profit. Aujourd’hui, il se trouve des sociétés anonymes qui décident unilatéralement de s’approvisionner localement ou de céder une partie de leur capital à leurs salariés, et même des multinationales pour décider de devenir des sociétés à mission et donc placer directement leurs activités sous le contrôle de comités ad hoc.
C’est donc un changement de paradigme que le gouvernement souhaite impulser en créant un Secrétariat d’Etat à l’Economie sociale, solidaire et responsable. Nous étions dans la société de consommation, nous entrons dans la société de responsabilisation : qu’il soit client, salarié ou actionnaire, le citoyen demande à l’entreprise de se responsabiliser. Le R, c’est la Responsabilisation du Reste de l’économie, c’est aussi le R de la Remise en question, c’est se demander à chaque fois si, dans un échange commun de biens et de services, cet échange se fait au service du bien commun.
Face à l’urgence climatique et sociale, l’économie sociale et solidaire doit changer d’échelle. Quand on veut éteindre un incendie, on ne doit pas se demander qui est le pompier.
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