Par Pierre Jouvet, Secrétaire national aux fédérations du PS et Conseiller départemental de la Drôme
Le congrès du Parti socialiste qui se jouera au printemps prochain, doit être le grand congrès de la clarification, beaucoup le disent, beaucoup le réclament.
Mais que signifie cette clarification ? La revanche des congrès précédents ? L’exclusion de ceux qui sont trop longtemps restés dans ce parti sans en partager les idées ? La purge des rancoeurs du quinquennat ?
Pourtant, force est de constater que ceux qui ne se retrouvaient plus dans le Parti socialiste en sont déjà partis. Qu’ils aient été déçus du quinquennat, désireux de garder un pouvoir qui leur échappait ou de le conquérir, persuadés que l’histoire devait s’écrire ailleurs et pourquoi pas avec Jean-Luc Mélenchon, ils sont partis. C’est leur choix !
Alors parmi ceux qui ont fait le choix de rester au sein du Parti socialiste, accrochés à un idéal et à des valeurs, les vieux réflexes ressurgissent pour créer de nouveaux clivages, inventer de nouvelles fractures, pour se demander de quelle nouvelle guerre fratricide le Congrès d’Aubervilliers pourrait-il être le nom ?
Oui, certains rêvent de rejouer Rennes, Le Mans, Reims ou Poitiers, une revanche entre vieilles motions et vieux courants… Bref, de régler une nouvelle fois leurs comptes entre ennemis historiques… Tant qu’à semer le chaos autant le faire avec panache !
Soyons lucides, des divergences existent, mais ces dernières années, notre parti s’est davantage fissuré puis fracturé sur des questions de forme, de stratégie, de méthode, de posture entre des personnalités qui avaient décidé que leurs positions seraient de toute façon irréconciliables. Durant 5 ans, nous avons ainsi offert aux Français un spectacle grotesque qui a entaché notre crédibilité et celle de nos convictions tout en alimentant le dégagisme. Celui-ci a finalement tout emporté, faisant fi du travail de terrain d’élus investis et quel que soit leur positionnement politique. Quel gâchis !
Désormais, les Français ne nous attendent plus, ils ne nous considèrent plus, ils ne nous voient plus. Tout juste ont-ils entendu ces derniers jours un crépitement à l’annonce de la multitude des candidatures – réelles ou supposés – au poste de 1er secrétaire… Les voilà rassurés ! Les socialistes n’ont pas changé…
Et pourtant l’épreuve du pouvoir nous a changés ! L’humiliation de la présidentielle et la gifle des législatives nous ont transformés ! Nous ne sommes plus les mêmes militants qu’il y a 5 ans ! Nous devons le reconnaître, faire notre mea culpa, et démontrer cette transformation pour que renaisse l’espoir et pouvoir écrire une nouvelle page.
Dans ce congrès, je suis convaincu que ma génération porte une responsabilité majeure. Celle de ne pas se taire ! De s’émanciper des luttes et des querelles du passé. De prendre toute sa place !
Ne soyons en rien les prisonniers de nos anciennes chapelles, de nos motions, des clivages ou des fidélités hérités de nos aînés. Ne reproduisons pas les erreurs du passé. Si la clarification n’est là que pour ressusciter les ligues dissoutes, rejouer les guerres d’hier et régler les comptes du quinquennat, nous n’aurons rien compris. Soyons libres de nos choix pour les faire en conscience et en responsabilité. Notre devoir, c’est de choisir l’orientation politique la plus cohérente, pas pour nous-même, pas pour le parti mais pour les Françaises et les Français.
Le Congrès d’Aubervilliers doit nous permettre de nous adresser aux Français avec un discours nouveau, des priorités nouvelles :
Tout d’abord, renouer fortement avec la France périphérique, la France populaire qui se sent laissée pour compte par le Président des riches et ne trouve refuge que dans le vote Front National. Elle doit pourtant être au coeur d’un projet socialiste réaffirmant le travail comme moyen d’émancipation et la justice sociale comme boussole.
Ensuite, affirmer la République décentralisée et défendre une véritable autonomie des territoires, cette France où les élus de terrain, la société civile, les citoyens et les projets nécessaires qu’ils portent collectivement doivent être respecté par un Etat encore trop jacobin.
Plus généralement, être capable de transgresser certains conservatismes et certaines postures pour toujours défendre l’intérêt général, notamment lorsqu’il s’agit de la santé de nos concitoyens.
Enfin, pour se faire, il nous faudra évidemment changer les attitudes, les méthodes, les visages de notre parti, pour mettre notre discours en cohérence avec nos actes.
Ce message, ce constat, cette envie d’avancer, moi qui suis ce que les solfériniens appelle « un hollandais historique », qui ai été de tous les combats de l’ancien Président de la République pendant 10 ans et dont la loyauté à son égard n’a jamais failli, je ne pourrais pas aujourd’hui le partager avec ceux qui, lors des primaires il y a 5 ans soutenaient un autre candidat que le mien ?
Je ne pourrais pas me réjouir en écoutant Boris Vallaud, « ancien Montebourgeois », à la tribune de l’Assemblée nationale défendre les fondamentaux du droit du travail ou appeler à une nouvelle gouvernance de l’entreprise ?
Je ne pourrais pas me féliciter en entendant Guillaume Garot, « ancien Ségolèniste » défendre la question de l’accès aux soins des français et plaider pour une régulation de l’installation des médecins ?
Je ne pourrais pas faire le constat que je partage finalement plus avec un élu local, qui, sur le terrain, fait face aux mêmes difficultés que moi, fut-il un « ancien Aubryste » ?
Je crois justement tout le contraire. Je crois en l’envie d’avancer collectivement pour imaginer l’avenir. Je crois au renouvellement de nos méthodes de travail. Je crois qu’il faut changer en profondeur nos représentants et faire émerger une nouvelle génération.
C’est pourquoi, je pense qu’en nous rassemblant largement autour d’Olivier Faure, en l’accompagnant à construire le cadre collectif qui fera renaître les socialistes, nous avons une dernière chance. Faire qu’Aubervilliers ne soit pas un énième congrès de soi-disant clarification, mais bien le congrès de l’émancipation!
Dans la mythologie, le foudre de Jupiter possède trois éclairs. Le premier pour avertir, le deuxième pour punir, le troisième pour la fin des temps. Nous avons déjà reçu les deux premiers éclairs… Eviter le troisième ne dépendra que de nous !