Le débat sur le cumul des mandats et l’affaire Cahuzac ont mis les élus au centre de l’attention. Les députés ont lancé une mission d’information afin de dissiper les malentendus entre les Français et leurs représentants.
Un entretien avec Philippe Doucet
Député du Val d’Oise, président-rapporteur de la mission d’information sur le statut de l’élu
Pourquoi mission d’information sur le statut de l’élu ?
Parallèlement au débat sur le cumul des mandats, il nous est paru important d’avancer sur la question du statut de l’élu. La commission des lois m’a confié la présidence d’une mission d’information dont l’objectif était de faire le point sur la situation et de dégager des propositions.
Les citoyens sont aujourd’hui bien mal informés de la situation de leurs élus, ce qui ouvre la voie au populisme. C’est pourquoi il faut clarifier, simplifier le système. Par exemple, les associations d’élus demandent que le parlement fixe les indemnités des maires. Actuellement, ce sont les conseils municipaux nouvellement élus qui décident de la rémunération du maire à son élection, ce qui peut créer une certaine gêne.
Qui avez-vous auditionné dans le cadre de votre mission ?
Nous avons naturellement reçu les représentants d’élus (Association des maires ruraux de France, Association des petites villes, Fédération nationale des villes moyennes, Association des maires de France, Association des élus de la montagne, Assemblée des départements de France, Assemblée des communautés de France…). Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, la sénatrice Jacqueline Gourault, auteure d’une proposition de loi visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat, des fonctionnaires des collectivités locales, les chercheurs du GRALE (Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe) et des représentants Anticor et Transparency International ont également été auditionnés. Enfin, des professeurs de droit et les partis politiques ont été invités à nous transmettre des contributions écrites. Tout cela afin de travailler sur la rémunération, la protection sociale, les retraites, le droit à la formation, le retour à la vie professionnelle et la responsabilité pénale d’une part, et les conflits d’intérêts d’autre part.
Quelles sont les principales préoccupations des élus ?
La transparence est aujourd’hui une demande forte des élus qui ont bien compris que l’opacité dessert la démocratie. La question de la sécurité sociale revient aussi fortement, tout comme l’obligation de souscription d’une retraite, les droits d’absence, la formation et le retour à la vie professionnelle (crée-t-on un fonds national pour la formation des élus ?), la responsabilité pénale des élus, la transparence sur la réserve parlementaire et enfin la question des conflits d’intérêts. Sur ce dernier point, nous proposons la signature d’une charte de déontologie, le renforcement des mécanismes préventifs et la création d’une Haute autorité qui pourrait indiquer aux édiles ce qu’ils sont en droit de faire ou ne pas faire. Prenons l’exemple d’un maire par ailleurs patron d’un cabinet d’assurance. Il se trouve que l’entreprise en charge de l’élagage des arbres de la commune est par ailleurs l’un des ses clients. S’agit-il d’un conflit d’intérêts ? En l’absence de règle écrite claire, vers qui peut-il se tourner pour avoir une réponse ? Vu la multiplicité des situations, il serait bon qu’une Haute autorité statue et génère ainsi une jurisprudence. Composée d’un tiers de magistrat, et de deux tiers d’hommes politiques (en exercice et retraités), elle rendrait des avis contraignants et disposerait des moyens d’enquête indispensable à sa mission.
La « professionnalisation » de la politique remet-elle en cause le système des indemnités de mandat ?
Il ressort de nos auditions un fort attachement à la gratuité des mandats (notre modèle diffère de celui des Allemands, plus « fonctionnarisé »). Cet héritage de la Révolution française fait l’unanimité, l’engagement politique doit être indemnisé mais n’est pas un métier en soit. Cependant, il exige désormais des élus un degré de technicité élevé. Ces derniers doivent, comme leurs fonctionnaires, avoir accès à des formations pour maitriser par exemple les enjeux techniques et politiques d’un budget ou d’un plan local d’urbanisme. Se pose également la question de la diversité du corps des élus : dans les villes de 5000 à 20 000, 60 % des maires sont retraités, 20 % sont issus de la fonction publique et 20 % des professions libérales. Ce n’est évidement pas représentatif de la société française. Sécuriser le parcours c’est aussi ouvrir le jeu à ceux qui en sont aujourd’hui exclus.