Schwarzenegger, un nom imprononçable hors des collines autrichiennes où il est né en 1947. ” Une année de famine” se souvient-il. Les forces alliées qui avaient vaincu le IIIe Reich occupaient son pays, la Guerre froide commençait et sa famille vivait dans la peur d’être engloutie par l’empire soviétique. C’est dans son enfance qu’on trouve la clé de ses engagements futurs. “À l’église, les prêtres terrorisaient les fidèles avec des histoires abominables de Russes qui tuaient les bébés dans les bras de leur mère… ” Le petit Arnold sur qui pleuvaient les coups d’un père atrabilaire avait donc quelques raisons d’espérer des jours meilleurs. Il découvre un autre monde au cinéma avec le film Hercule à la conquête de l’Atlantide. Erg Park, le Mr Univers de l’époque, y joue le rôle titre et l’adolescent se convainc que la vie est plus belle si on est fort et musclé. Alors, âgé de 13 ans, il commence à se façonner un corps et un mental à toute épreuve.
“Transformer ses handicaps en avantages, entendre “oui” si on vous dit “non”, ne pas suivre la foule, faire savoir que ce qu’on fait est bien, oublier sa fierté, décider qu’il n’y a pas de plan B, parce qu’il faut tout faire pour que le plan A fonctionne, rentabiliser chaque heure d’une journée, prendre soin de son corps et de son esprit, ne pas en vouloir à ses parents, ne jamais se reposer sur ses lauriers… ” Arnold Schwarzenegger revendique ses dix commandements. Observez ses yeux bleu acier, sa mâchoire carrée, sa stature où pas une once de graisse ne vient encombrer ses 1m85 et 107 kg, et vous comprendrez comment il a réussi à en imposer dans les concours de culturisme, au cinéma et en politique.
“J’ai bossé 24h/24 ” dit-il. Le titre de Mr Univers est son ticket pour l’Amérique. Il tourne Hercule à New York en 1969, Conan le Barbare en 1981, devient citoyen américain en 1983, épouse Maria Shriver en 1986. La fille de Sargent Shriver (ancien ambassadeur des États-Unis en France) et nièce de John Fitzgerald Kennedy, lui ouvre les portes du monde politique. Elle appartient au Parti démocrate, l’enfant de Thal se reconnaît dans le Parti républicain. Une autre vie commence.
“Quand j’ai quitté l’Autriche, je voulais gagner 1 million de dollars ! ” Il est payé 12 000 dollars pour son premier film en 1971, il en gagne près de 4 millions trois ans plus tard. Conan le Barbare double la mise avec Terminator. Sa fortune lui permet de mettre ses idées en adéquation avec ses ambitions. “Je suis arrivé ici (aux États-Unis) en 1968, j’avais les poches vides mais la tête pleine de rêves, la campagne présidentielle battait son plein. Je me souviens du duel Nixon-Humphrey à la télévision, le premier parlait de libre entreprise, de réduire les impôts, de renforcer l’armée, l’autre disait des choses sonnant comme le socialisme que je venais de quitter. C’est comme ça que je suis devenu républicain !”.
En 2003, au terme d’une campagne basée sur la dénonciation des excès de dépenses et de taxes du gouvernement sortant, Arnold Schwarzenegger est élu 38e gouverneur de la Californie, la septième puissance économique mondiale. “Mon élection n’a pas pour but de remplacer le parti majoritaire (démocrate) en place, elle a lieu pour changer l’intégralité du paysage politique de notre État” dit-il lors de sa prise de fonction. Il est réélu trois ans plus tard et fait alors partie du Time 100, classement établi par le magazine Time des 100 personnalités les plus influentes dans le monde.
Que reste-t-il de la gouvernance Schwarzenegger ? Il a proposé un plan avec trois objectifs pour assainir le budget de la Californie et pour donner l’exemple, rempli son mandat sans avoir de salaire, permettant ainsi une économie de 175 000 dollars par an ; il a lutté contre les émissions de gaz à effet de serre en accélérant la commercialisation de véhicules équipés de piles fonctionnant à l’hydrogène ; il dit avoir créé 635 000 emplois faisant ainsi baisser le taux de chômage de 6,8 % à 4,9 %. Governator n’a cependant pas l’arme fatale contre la crise mondiale. Il s’investit dans le domaine environnemental, dans l’éducation, dans la santé, soutenant sur ce terrain le président démocrate Barack Obama, continue de défendre un “budget responsable” mais en 2009 il doit reconnaître que la Californie est en état d’urgence. Ses électeurs rejettent dans les urnes les mesures qu’il leur proposait pour réduire un déficit budgétaire de 24 milliards de dollars. Le démocrate Jerry Brown lui succède le 2 novembre 2010.
“Schwarzy” a repris son métier d’acteur. Mais il a pris goût au pouvoir. Il avoue qu’il aurait volontiers suivi les pas de Ronald Reagan et postulé à la présidence des États-Unis si la Constitution ne le lui avait interdit du fait qu’il n’est pas né sur le sol américain. Il se console en prêchant la bonne parole à l’Université de Californie du sud (USC) où il a créé et finance un Institut de réflexion politique (Think Tank). “On y développe des domaines de recherches sur l’éducation, notamment le péril scolaire, sur l’énergie et l’environnement, sur la fiscalité, l’économie, la santé, la réforme politique. ” Le professeur Schwarzenegger y donnera son premier cours magistral en décembre prochain. En attendant, la promotion de son autobiographie lui fait parcourir le monde et dénoncer la polarisation des idées et du bipartisme en politique. “Les démocrates sont allés trop loin à gauche, les républicains trop loin à droite, s’ils ne se rapprochent pas, le pays ne pourra pas avancer. Il est urgent de travailler ensemble. ” Constat qu’il ne limite pas à son propre pays. “Partout on continue de dépenser l’argent qu’on n’a pas et les gens refusent de vivre en dehors de leurs moyens. En réalité, on vit dans la dette, et les Chinois détiennent nos obligations. Il est temps que les États-Unis et l’Europe se réveillent.”
”I’ll be back” (je reviendrai) promettait Terminator. “I’m back” (je suis de retour) assure aujourd’hui Arnold Schwarzenegger. Le “chêne autrichien”, comme on le surnommait du temps de sa gloire culturiste, n’est sans doute pas de ceux qu’on abat !
Par Régine Magné