On a tellement dit que l’humour et la politique faisaient bon ménage que cela devait finir par arriver : au cours de la dernière soirée de remise du prix “humour et politique”, il a été beaucoup question de ménage. C’est avec Ségolène Royal que le balai et le chiffon sont arrivés. Dans un propos plein d’esprit et truffé de citations (Camus, Sartre, Francis Blanche, etc.) la mère des enfants du président de la République a voulu aller plus loin que la simple petite phrase qui lui avait valu un prix spécial dans le palmarès des récompenses décernées chaque année au Press-Club de France.
“Ce n’est pas plus mal que ce soit une femme qui soit élue pour faire le ménage. Un bon coup de balai, et hop !” avait notamment confié la présidente de la Région Poitou-Charente avant les primaires socialistes. Sensible à l’honneur qui lui a été rendu par le jury composé de journalistes et d’humoristes (Laurent Gerra et Jacques Mailhot notamment), Ségolène Royal a bien pris soin de rappeler que son trait d’humour était “volontaire”, sachant que sont aussi distingués aussi des propos pas forcément prononcés pour faire rire, tel celui, naguère, du garde des sceaux Pierre Arpaillange clamant à la tribune de l’Assemblée : “Sur cinquante-deux évadés, on en a repris cinquante-trois”.
L’humour et le ménage sont pour Ségolène Royal, des choses trop sérieuses pour être laissées à un seul genre. Les mots d’esprit ne doivent pas rester du domaine masculin et les ustensiles servant à l’entretien de la maison demeurer uniquement réservés à la gent féminine. D’ailleurs, a-t-elle noté, même les sorcières n’ont plus le monopole du balai grâce à Harry Potter.
“En 50 ans, et selon les statistiques les plus sérieuses, les hommes ont augmenté de… six minutes par jour ce temps du travail domestique”, s’est-elle exclamée, en affirmant qu’elle dédiait son prix spécial du Press- Club à tous ces hommes qu’un étrange plafond de verre retient d’investir plus hardiment un champ domestique où ils pourraient pourtant découvrir les joies, inédites pour nombre d’entre eux, de la guerre à la poussière, acquérir des compétences fort utiles au foyer et hors foyer, secouer le vieux costume d’une masculinité bridée de trop de préjugés, d’interdits et de rôles standardisés tout cela avec la satisfaction de prendre toute leur part d’un nouvel équilibre et d’une égalité “gagnant-gagnante”.
Ségolène Royal s’est adressée encore plus directement aux hommes : “Je voudrais leur dire : bricoler, c’est bien, sortir le chien, c’est pas mal, descendre la poubelle, c’est un travail musculaire, mais un horizon plus vaste n’attend que vos talents : osez le ménage ! Bravez les traditions dépassées ! Traquez en vous le machisme inconscient qui inhibe votre potentiel domestique !”
Cette exhortation s’est même assortie de considérations de santé publique. “Des chercheurs écossais”, a poursuivi la présidente de la région Poitou-Charentes “ont établi que faire le ménage “énergiquement” prévient la dépression en provoquant dans le cerveau la sécrétion de substances dites ordinairement “molécules du bonheur” ; d’’autres ont mis en évidence les performances sportives et musculaires dont les activités ménagères sont l’occasion. Ainsi, passer l’aspirateur muscle les mollets et les quadriceps. Si vous chantez en même temps, c’est tout bénéfice pour la cage thoracique. Laver les carreaux affermit les bras. Quant au repassage, il permet d’alterner des séquences d’abdominaux sans lâcher le fer. Des scientifiques australiens et chinois affirment que trois à quatre heures de ménage par jour préviennent le cancer des ovaires : il n’y a pas de raison de penser que, pour la prostate, cela marche moins bien ! Alors, messieurs qui hésitez encore, yes you can !”
Ce grand et beau discours en faveur de la contribution des hommes aux tâches domestiques a constitué l’une des surprises de la soirée. Les autres lauréats se sont montrés moins diserts. Quand le premier prix a été remis à l’ex-membre du gouvernement François Goulard pour avoir dit : “être ancien ministre, c’est s’asseoir à l’arrière d’une voiture et s’apercevoir qu’elle ne démarre pas”, le récipiendaire s’est con-tenté de remarquer à la tribune : “C’est du vécu !”.
Le sénateur Pierre Charon a été récompensé, lui, pour avoir confié : “Eva Joly, c’est un pour tous, tous pour un et deux pour cent”. L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, en recevant son diplôme, a confié : “Quand j’étais jeune, si l’on n’avait pas un physique de maître-nageur, il valait mieux être un peu rigolo” tout en rendant un hommage émouvant à son père, chirurgien- dentiste parisien, qui cultivait l’humour en toutes occasions et qui était ami de Francis Blanche.
Lauréat très prometteur, le parlementaire Thierry Mandon a reçu un “prix d’encouragement” pour avoir déclaré en apprenant sa victoire sur Georges Tron dans l’Essonne “ça lui fera les pieds”. Thierry Mariani, ancien ministre des transports, s’est vu distinguer pour une comparaison audacieuse : “Il est plus facile de pacifier la Libye que l’UMP !”
André Santini, maire d’Issy-les-Moulineaux, l’a dit pour sa part haut et fort : récompensé trois années de suite, il souffre d’avoir été classé “hors concours” par le jury présidé par Jean Miot.
La même mésaventure arrivera peut-être à l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui a obtenu cette année un Prix pour “l’ensemble de son oeuvre” grâce à ses célèbres “raffarinades”, du style : “Il faut avoir conscience de la profondeur de la question du sens”.