Bénédicte Boyer a suivi dans leurs responsabilités des préfètes, directrices de CHU ou rectrices d’académie, pour montrer aux jeunes filles de demain qu’elles aussi y ont toute leur place.
Selon l’étude que vous avez menée, à quoi est due cette absence de femmes au sein des hautes responsabilités ?
Aujourd’hui, les barrières ne sont plus normatives ou législatives mais psychologiques. L’époque où il existait de réelles difficultés, voire même des garde-fous, pour empêcher les femmes d’accéder à certaines responsabilités est dépassée. Par exemple, dans les années 1930, on ne pouvait accéder au concours de rédacteur au ministère des Finances sans avoir fait son service militaire ! Dans les années 1970, quand le concours de commissaire de police a été ouvert aux femmes, quatre places seulement leur étaient accessibles sur une centaine (ce système de quotas restrictifs a perduré jusqu’en 1998 !).
Désormais, l’accès aux concours A et A+ est sans barrière et les promotions d’étudiants sont quasiment paritaires. Mais à l’ENA, la directrice déplore qu’un tiers seulement des élèves soient des femmes. En effet, alors que les facultés de droit regorgent de brillantes jeunes filles, celles-ci ne représentent que 40 % des inscrits au concours, en raison notamment d’une barrière psychologique. Cet ouvrage, dans lequel je dresse des portraits de femmes ayant de grandes responsabilités, leur est d’ailleurs destiné.
Si la barrière est uniquement psychologique et non plus normative, quelles sont les solutions ?
L’un des cœurs du problème est le déroulement des oraux et des jurys de recrutement. Tout recruteur a une tendance naturelle à sélectionner les candidats qui lui ressemblent, qui viennent des mêmes écoles, aux des parcours similaires et appartenant aux mêmes réseaux. Tant que les recruteurs seront en majorité des hommes et que les femmes n’intègreront pas les réseaux professionnels, le problème persistera. Des jeunes femmes de 25 ans sont questionnées sur leurs projets familiaux : c’est illégal mais cela existe encore. Pour combattre les stéréotypes, il faut avant tout les comprendre et prendre conscience de cette barrière psychologique qui existe en chacun de nous.
Quelle place les politiques prennent-ils dans ce combat ?
Au printemps 2011, la députée Françoise Guégot a publié un rapport sur la féminisation de la haute-administration. Un mouvement a été lancé, et Monsieur Sauvadet, ministre de la Fonction publique du gouvernement Fillon, a rédigé un projet de loi contre la précarité dans l’administration dont une disposition prévoyait que le conseil supérieur de la fonction publique examine chaque année des statistiques de genre.
À partir de là, la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes s’est saisie de cet article pour l’introduction de quotas de nomination. La majorité de droite a voté la loi du 12 mars 2012, relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique et à la lutte contre les discriminations. Puis en août 2012, Jean-Marc Ayrault a décidé d’aller encore plus loin et a demandé à tous les ministres d’être en avance sur la parité au sein de leurs administrations. Le débat dépasse les clivages gauche/droite et que la prise de conscience de ce problème est générale.