Il n’y a pas de précédent. La remise en cause est totale, même quant au nombre d’élus appelés à siéger dans l’hémicycle. Le millésime 2017 se sera achevé de façon spectaculaire puisque le président de l’Assemblée nationale François de Rugy a réuni les présidents et rapporteurs de chacun des groupes de travail des « Rendez-vous des réformes 2017-2022 pour une nouvelle Assemblée nationale » afin qu’ils exposent leurs premières conclusions. Tour d’horizon des principales mesures discutées à cette occasion.
« Une méthode inédite pour réformer l’Assemblée nationale ». C’est ce qu’a décidé de mettre en place François de Rugy face à l’abstention et la défiance enregistrées lors des dernières élections législatives. Ainsi, sept groupes de travail ont vu le jour le 20 septembre dernier en vue d’imaginer ce que sera la Chambre basse de demain et reconquérir le lien de confiance avec les citoyens. Le but : « Replacer le Parlement au cœur de la République ».
Pluralisme, ouverture, transparence. Telle est la méthode qui fut retenue pour élaborer les propositions de réformes « dans le respect des sensibilités de chacun » à en croire le président de l’Assemblée. Une consultation citoyenne inédite avait même permis de collecter plusieurs milliers de contributions et de réunir une vingtaine de citoyens au Palais Bourbon à l’occasion d’ateliers de travail avec les députés. Il en résulte 95 propositions « qui recueillent, pour la très grande majorité d’entre elles, l’approbation de l’ensemble des membres des groupes de travail » assure François de Rugy.
Statut des députés
L’une d’entre elles est pourtant loin de faire consensus : la réduction de 30% du nombre de députés, qui passeraient de 577 à 403. Une mesure qui a fait bondir l’élue insoumise Clémentine Autain, assurée que toute sa famille politique sera « vent debout contre cette proposition qui modifie substantiellement les équilibres politiques actuels ». Cette réforme pose également la question de la représentation des collectivités d’Outre-mer, ou encore celle de la ruralité, qui pourraient s’en retrouver lésées. Moins cumulards, les députés ne pourraient plus exercer certaines activités jugées incompatibles avec leur mandat. Un plafonnement des rémunérations tirées de l’activité professionnelle des parlementaires à 50% du montant de leur indemnité a également été proposé. L’élue de Nouvelle Gauche Laurence Dumont s’interroge en revanche sur la nature même de ces activités …
Des collaborateurs parlementaires mieux reconnus
Mis en lumière par le «Penelope Gate» lors de la campagne présidentielle, le statut des collaborateurs parlementaires devrait lui aussi être clarifié. Développer la formation professionnelle, sécuriser les parcours, établir un cadre juridique pour le travail, rendre l’adhésion à l’association de députés-employeurs obligatoires pour les députés en gestion déléguée et instituer des références salariales sont autant de propositions formulées par le député France Insoumise Michel Larive. Des mesures qui permettront, d’après lui, de rémunérer les assistants à « leur juste valeur ».
Un Parlement plus rapide
Comment rendre la procédure parlementaire plus efficace dans le cadre de la révision constitutionnelle ? C’est à cette délicate équation que le député UDI Jean-Luc Warsmann a dû se confronter. Son constat est clair : « notre Assemblée a voté des lois sur des sujets bien plus graves en moins de temps qu’on ne le fait aujourd’hui ». Un avis que partage son collègue Jean-Michel Clément (LREM) pour qui « le Parlement français travaille d’une mauvaise manière, au détriment de la loi et de la procédure législative ». Avant de nuancer que « l’efficacité parlementaire ne peut pas faire l’objet d’une approche univoque ». Parmi les propositions phares, figurent notamment la procédure accélérée (une seule lecture par chambre) qui deviendrait la procédure de droit commun. Le temps d’examen des textes se retrouverait réduit, les plus « consensuels » faisant l’objet d’une procédure d’examen uniquement en commission. « Ou placer le curseur du consensuel ? » se demande cependant la députée républicaine Annie Genevard. Avis mitigé de la part de Laurence Dumont qui n’est « pas convaincue de l’efficacité » de cette démarche expéditive. Ajoutant que « le temps long est nécessaire pour impliquer les citoyens » dans le travail parlementaire.
Plus de pouvoirs
Voilà une mesure qui ne manque pas d’audace : donner au Parlement un pouvoir d’injonction. Autrement dit, celui de contraindre le Gouvernement à répondre à ses recommandations. Un droit de suite serait également mis en place pour que les députés puissent entendre les ministres destinataires de leurs recommandations six mois après le dépôt de leur rapport. Les pouvoirs de convocation, de communication et de contrôle sur pièces et sur place seraient eux aussi étendus à tous les rapporteurs.
Une Assemblée plus « durable »
D’autres propositions visent à engager une démarche de mise en conformité et de labellisation en matière de responsabilité sociétale des organisations (RSO) tout en faisant réaliser un audit global par un tiers d’ici la fin du premier semestre 2018. La mise en place d’une structure de gouvernance, type comité de pilotage, servira à encadrer, coordonner et mettre en œuvre la politique de développement durable de l’Institution. Un guide des bonnes pratiques fixera quant à lui les objectifs sur une base collaborative et de co-construction.
Un Parlement « branché citoyen »
Autre réflexion : déterminer si des adaptations de nature constitutionnelle doivent être envisagées afin de renforcer les possibilités d’intervention des citoyens dans la vie politique. En ce sens, l’Assemblée veut améliorer la visibilité des travaux parlementaires qui demeurent encore mal connus du grand public, notamment avec plus de transparence et en créant un espace public d’accueil, d’information et d’exposition. Tout en modernisant le site internet, pour recourir plus souvent à des infographies animées, des illustrations et des vidéos, sans oublier une chaine Youtube.
Autant de propositions qui pourront trouver une suite dans la réforme constitutionnelle à venir, promesse d’« une nouvelle Assemblée nationale » selon les mots de son président, François de Rugy. Un chantier phare du quinquennat… et l’une des promesses du candidat Macron ayant suscité le plus de scepticisme !