Pensez-vous que la crise que les principales banques françaises rencontrent aujourd’hui soit d’une ampleur équivalente à celle de 2008 ? Quelles sont vos recommandations pour une sortie de crise à plus ou moins brève échéance ?
L’ampleur est moindre mais surtout les causes sont d’une tout autre nature ; la crise de 2008 trouvait son épicentre aux Éttats-Unis et était causée par des produits toxiques. Dans le cas présent, la crise est due aux déficits excessifs des Éttats dans les pays avancés et à l’inquiétude des marchés qu’ils ne puissent rembourser l’intégralité de leur dette. Ces craintes sont plus vives pour la zone euro car se pose la question de la gouvernance de la zone et la capacité des dirigeants à aller plus loin dans l’harmonisa- tion. Nous ne sortirons de cette crise qu’en apportant la preuve que les pays sont à même de réduire leur dette durablement.
Les banques ont-elles la capacité de traverser cette crise ? Comment allez-vous veiller à ce que ces établissements aient les fonds propres nécessaires en cas ?
Oui, les banques peuvent traverser la crise, d’autant plus que les pays sur lesquels pèse l’inquiétude – en particulier l’Espagne et l’Italie – apportent la preuve de leur capacité à maîtriser leurs finances publiques. Elles affichent d’ores et déjà les ratios les plus élevés qu’elles aient jamais eus, bien au-dessus des exigences réglementaires – 11 % de Tier one. Elles ont montré également dans le dernier test de l’Association bancaire pour l’euro que leurs besoins nouveaux en fonds propres étaient très limités et qu’elles pourraient y répondre par leurs propres moyens.
Seront-elles en mesure d’absorber les pertes qu’entraînerait pour elles une contribution accrue à l’allégement du fardeau de la dette qui pèse sur la Grèce ?
Toute la question des fonds propres des banques, telle qu’elle est posée par les marchés, réside dans l’idée que les banques ne pourront faire face à un défaut de la Grèce ou même d’autres pays. À cela je réponds que l’exposition à la Grèce – de l’ordre de 8 milliards au 30 juin – est tout à fait absorbable par nos banques puisqu’elle représente moins de six mois de résultat mais je refuse d’envisager le défaut d’un autre pays de la zone euro. L’Espagne et l’Italie rembourseront intégralement leur dette.
Vous avez demandé aux banques d’accélérer le mouvement de renforce- ment de leurs fonds propres par rap- port au calendrier de Bâle III, l’accord international visant à rendre les banques plus résistantes. Pourriez- vous nous dire ce qu’il en est ? Des efforts ont-ils été faits en ce sens ?
Mon souci premier est de répondre à l’inquiétude des marchés. J’avais déjà demandé aux banques de passer à Bale III dans des délais assez courts. Le conseil européen a décidé de demander aux banques de relever leur ratio de fonds propres “durs” à 9 % d’ici le 30 juin 2012, assorti d’un coussin supplémentaire de précaution calculé d’après la valeur de marché des obligations souveraines à leur bilan au 30 septembre 2011. Les banques françaises sont suffisamment fortes et rentables pour renforcer leurs fonds propres par leurs propres moyens. Elles l’ont fait en injectant 50 milliards de fonds propres supplémentaires depuis 2009, et elles vont continuer, même si cela suppose le cas échéant des restrictions sur la politique de dividende.
Lors d’une intervention précédente, vous avez annoncé que le crédit aux collectivités locales est un bon crédit. La nouvelle structure française de l’ex- Dexia va donc continuer à jouer un rôle prépondérant. Peut-on être sûr que les risques seront contrôlés et limités ?
Bien sûr, le crédit aux collectivités locales est un bon crédit et il joue un rôle essentiel pour la croissance économique. La nouvelle organisation va permettre aux collectivités locales d’accéder au crédit sur des bases plus sûres. En outre, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) va devenir le superviseur “home” de la nouvelle entité qui sera uniquement de droit français.
La note souveraine française est-elle menacée ?
La menace qui pèse sur la note française est liée à notre capacité à relever le défi du redressement des finances publiques, notamment en cette période électorale. Nous devons coûte que coûte tenir nos engagements et prouver, dès aujourd’hui que nous prenons les bonnes mesures pour y parvenir. Nous avons trois mois pour convaincre et montrer notre détermination. Je constate d’ailleurs que les hommes politiques, de gauche comme de droite, ont bien intégré cet impératif.
Vous vous êtes dit favorable à ce que l’on inscrive dans le traité européen des règles plus strictes et plus dures de gouvernance budgétaire des pays européens. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?
Oui, j’y suis très favorable. Si nous en sommes là, c’est parce que le Pacte de stabilité et de croissance n’a pas été respecté par les Éttats membres, ni dans la lettre, et ni même dans l’esprit. Il y a donc un vrai problème de gouvernance de la zone euro et il est urgent d’y remédier. Il faut donc modifier le Traité, en durcir les règles, y intégrer des sanctions fortes et automatiques. Il faudrait, par exemple donner les moyens aux États membres d’imposer une décision collective à un pays qui s’avérerait trop laxiste en matière de finances publiques.
Comment comptez-vous maximiser la force de frappe du Fonds européen de stabilité financière ? Quelles sont les options possibles ?
Les décisions prises par le Conseil européen, le 27 octobre, sont extrêmement importantes. L’objectif est d’empêcher tout effet de contagion irrationnel de se développer, en facilitant l’accès au marché des Etats dont la dette publique a été sous pression. À cette fin, deux options pourront être utilisées : une garantie partielle à l’émission sur le marché primaire, et l’achat d’obligations sur le marché secondaire à travers un fonds d’investissement qui associerait des ressources du FESF et des ressources privées.