Les États généraux de la démocratie territoriale se termineront, le vendredi 5 octobre, par une séance solennelle dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Cette clôture très académique suivra une journée de synthèse organisée la veille au Palais du Luxembourg. Ainsi sera marqué le terme provisoire d’un processus de réflexion engagé lors du changement de majorité au Sénat, en octobre 2011. En marge des clivages politiques, il fut constaté à ce moment-là, en effet, une volonté générale des élus locaux de reprendre en main leur destin après la grogne suscitée par la réforme initiée par le gouvernement précédent, notamment au- tour de l’instauration du “conseiller territorial”.
Jean-Pierre Bel, président du Sénat, s’est beaucoup investi dans la démarche. Pour lui, il s’agit d’un “travail jamais réalisé sur le ressenti des territoires mais aussi qui pointe les directions à prendre pour que le local se sente en phase avec le national” . C’est, en effet, tout le problème. Les observateurs politiques, très concentrés sur les courbes de popularité des dirigeants, sous-estiment en général les échelons régionaux et locaux du débat démocratique. Trente ans après les grandes lois de décentralisation, il existe pourtant en dehors de Paris de permanentes discussions sur les rôles respectifs de l’État et des collectivités, la répartition de l’impôt, les champs de compétences du département et de la région, etc. Nos structures jacobines, en outre, veulent que partout règne la même organisation alors que
l’on peut se demander, par exemple, si les départements disposant d’une “métropole” concentrant l’essentiel de la population de leur territoire (à Lyon, Marseille ou Bordeaux notamment…) ont encore besoin d’un exécutif départemental. La question, cependant, fait toujours partie des tabous.
En mettant en avant sa volonté de procéder à une grande réforme de l’action publique (lire l’interview de Mme Marylise Lebranchu), le gouvernement manifeste à la fois sa prudence et le souci de se soumettre à une vue d’ensemble, n’écartant pas une redéfinition du rôle des services déconcentrés de l’État.
À la veille de la clôture des États généraux, le Sénat peut se targuer d’avoir traité les réponses de 20 000 élus à un questionnaire détaillé évoquant tous les aspects de l’exercice de la démocratie territoriale. La synthèse n’en sera que plus difficile. D’autant plus qu’une quarantaine d’organisations diverses (associations d’élus, entreprises partenaires des collectivités, centrales syndicales, Caisse des Dépôts et Consignations, etc.) ont été aussi appelées à donner leur point de vue. Pour ne pas s’en tenir à des réponses trop formatées, beaucoup de sénateurs ont organisé aussi des débats départementaux. Enfin, pour éviter que la démarche des “États généraux”, en principe œcuménique, se traduise par un affrontement gauche-droite, Jean-Pierre Bel et les sénateurs ont décalé à ce mois d’octobre la tenue des séances de conclusion. La “fenêtre de tir” était étroite : au printemps dernier, avec présidentielle et législatives, l’enjeu électoral était trop grand et à partir de mars 2013, on ne parlera que des municipales de l’année suivante…
Cantonales et régionales reportées à 2015 ou… 2016?
L’une des questions sous-jacente des États généraux est d’ailleurs celle du calendrier électoral, dont le ministère de l’Intérieur garde l’initiative. Si les principaux textes concernant les compétences entre communes et intercommunalités pourront être examinés et votés d’ici le printemps prochain, définir le nouveau cadre législatif adapté aux relations entre départements et régions prendra sans doute plus de temps. Ce qui impliquera sans doute le report des élections départementales et régionales à 2015, voire à 2016.
Des déclarations récentes de membres du gouvernement comme de Jean-Pierre Bel, qui s’est exprimé à ce sujet début septembre, il est possible de déduire que la suppression d’un échelon exécutif ne sera pas à l’ordre du jour. La majorité des “acteurs des États généraux” lui est hostile, ce qui ne manquera pas de relancer dans le pays quelques accusations de “conservatisme” auquel le gouvernement répondra certainement par sa détermination à lutter contre le cumul des mandats, ainsi que par une modification du mode d’élection des conseillers généraux incluant proportionnelle et, du même coup, le renforcement de la parité. On s’orientera donc vers l’architecture soulignée par Jean-Pierre Bel: “La région définit les axes stratégiques de développement, prépare l’avenir avec la formation, l’innovation.
Le département organise les solidarités humaines et territoriales. La commune et l’intercommunalité organisent les services de proximité qui rendent la vie plus facile au quotidien.”
Les bouleversements liés aux regroupements de communes et au changement du statut juridique de l’intercommunalité, induits par la précédente réforme et non remis en cause, créent de toute façon une nouvelle donne. La démocratie territoriale évolue et va continuer d’évoluer. Après les États généraux, les parlementaires seront saisis de plusieurs textes sur les compétences. Il sera notamment proposé aux élus l’instauration d’un “haut conseil des territoires” qui doit devenir l’instance permanente de dialogue entre l’État et les collectivités territoriales. La décentralisation est une longue marche.