Après les banques grecques, italiennes, françaises, et espagnoles, c’est au tour des banques allemandes d’être menacées par les agences de notation : Moody’s a annoncé à la mi-novembre la dégradation de la note de 10 Landesbanken (banques régionales). Elle estime en effet qu’en cas de difficultés, celles-ci seront moins soutenues par l’Éttat fédéral à cause, notamment, de nouvelles dispositions réglementaires européennes conditionnant l’obtention des aides publiques.
Défiance
La confiance vis-à-vis des banques européennes s’effrite progressivement à mesure que les Etats s’enfoncent dans une crise des finances publiques. Deux jours plus tôt, UniCredit, premier groupe bancaire italien, étonnait en dévoilant une perte nette de 10 461 milliards d’euros. Dorénavant “sous la surveillance” des agences de notation, sa valeur en bourse continue de baisser (déjà -50 % cette année) malgré l’annonce d’une réorganisation comprenant suppressions d’emplois et de dividendes et augmentation de capital. Un mois auparavant, Moody’s avait déjà diminué la note de cinq grandes banques espagnoles (Banco Santander, BBVA, CaixaBank, La Caixa, et la confédération de caisses d’épargne CECA) dans la foulée de l’abaissement de la note de solvabilité de l’Espagne à A1. Confrontées aux encours à risques hérités de la bulle immobilière – 52 % de l’exposition au secteur de la promotion est considérée comme “problématique” par la Banque d’Espagne – les banques du pays doivent se recapitaliser à hauteur de 26 milliards d’euros d’ici juin 2012 selon l’Autorité bancaire européenne.
La défiance des marchés vis-à-vis des banques gagne du terrain et atteint même les Éttats-Unis où l’agence Fitch a prévenu :“Les banques américaines ont une exposition directe aux marchés européens en difficulté (Grèce, Irlande, Italie, Portugal et Espagne) qui est gérable. Mais en cas de nouvelle contagion, un risque sérieux se poserait”. Surtout, les réactions des agences aux difficultés des banques ne font qu’empirer la situation, laissant craindre, comme avec les Etats, que la prophétie ne s’autoréalise. La question demeure : Moodys, Fitch et Standard & Poor’s sont-elles des spectateurs avisés de l’économie orientant les investisseurs par leurs conseils ? Ou influent-elles directement sur l’économie, par le biais des notations ?
Plans sociaux
Toujours est-il que la situation boursière compliquée des banques prend peu à peu une tournure sociale. UniCredit entend économiser 1,5 milliard d’euros en supprimant, d’ici 2015, 6 150 emplois (dont 5 200 en Italie) sur les 160 000 que compte le groupe dans le monde. Selon Les Echos, la banque britannique Royal Bank of Scotland, la suisse UBS, et l’Italienne Intesa Sanpaolo cherchent aussi à réduire leurs effectifs de 2 000 à 3 500 postes. Quant à Citigroup, première banque mondiale avec plus de 320 000 salariés dans le monde, elle envisage d’après le Wall Street Journal de réduire de 5 à 10 % ses effectifs.
Les banques françaises ne sont pas en reste : la Société générale a annoncé un plan social d’environ 600 personnes dans sa branche BFI (Banque de financement et d’investissement) dont les revenus ont chuté de 36 % par rapport à l’an passé. Deux semaines avant, BNP Paribas officialisait la suppression de 1 400 emplois dans le monde, dont un peu moins de 400 en France, tout en précisant qu’“aucun départ ne sera contraint”. L’activité BFI souffre en effet d’“un environnement difficile sur les marchés de dette, avec une activité très faible sur le marché primaire notamment en Europe, et les effets de la crise de la dette souveraine européenne sur les marchés secondaires” explique la Société générale. De plus, précise Libération, “si ces activités ont été longtemps très rémunératrices, [elles] sont aujourd’hui à la fois trop consommatrices de dollars (devise deve- nue coûteuse à emprunter) et très gour- mandes en fonds propres”. Si certains se réjouissent que les banques se solidifient quitte à délaisser peu à peu leur activité BFI, d’autres s’inquiètent à raison de la pression des agences de notation. Les diminutions d’effectifs surprennent l’opinion publique et la défiance des marchés n’incite pas à l’optimisme. Dans ce contexte difficile, l’horizon économique ne s’éclaircit pas.
Par Marie Morieux