La présidente directrice du Louvre, Laurence des Cars, a été auditionnée par la Commission de la Culture du Sénat mercredi 22 octobre, trois jours après le casse du musée dont le montant du butin dérobé s’élève à plus de 88 millions d’euros.
Le dimanche 19 octobre 2025 restera tristement gravé dans l’histoire du Louvre comme le jour d’un vol spectaculaire, tant par son audace que par les symboles qu’il touche. Emue et profondément marquée par cet évènement, la présidente du plus grand musée du monde a présenté sa démission à la Ministre de la Culture “assumant sa part de responsabilité”. Démission qui lui a été refusée.
Historique des faits
Dimanche matin, un camion-nacelle s’est stationné quai François-Mitterrand, depuis lequel quatre malfaiteurs sont venus fracturer une porte-fenêtre de la Galerie d’Apollon, réputé comme l’un des lieux les plus sécurisés du célèbre musée. Cinq agents du Louvre ont déclenché le protocole d’urgence provoquant la fuite des voleurs qui, dans la précipitation, ont abandonné la couronne de l’impératrice Eugénie, sans avoir non plus réussi à incendier leur véhicule. L’enquête a été confiée la brigade de répression du banditisme.
Rachida Dati, la ministre de la Culture, est formelle : “Les dispositifs ont bien fonctionné”. Pourtant, les débats au Sénat révèlent un tableau plus contrasté, soulevant des interrogations sur leur réactivité. “Le système d’alarme Ramsès n’a été activé qu’après une seconde alerte”, s’est notamment indigné le sénateur socialiste Yan Chantrel.
De son côté, Sabine Drexler, sénatrice LR du Haut-Rhin, a souligné une “incapacité à faire face à de nombreux défis techniques”. Le rapport de la Cour des comptes pointe entre autres des retards persistants dans la modernisation des dispositifs de sûreté, des arbitrages budgétaires défavorables, et des installations périmétriques vieillissantes, voire inexistantes.
Un préjudice… pour prendre la mesure des chantiers à mener ?
Derrière ce coup de force, se cache une réalité plus vaste : celle d’un musée emblématique, mais structurellement fragile. “Le Louvre, c’est 244 000 m² de planchers, 33 000 œuvres exposées, un bâtiment historique où cohabitent patrimoine et modernité”, rappelait Laurence des Cars lors de son audition.
Depuis sa prise de fonction en 2021, elle affirme n’avoir cessé de tirer la sonnette d’alarme, pointant du doigt la vétusté des installations. “Les alertes que j’ai lancées se sont atrocement concrétisées”. Certains secteurs n’ont pas été rénovés depuis les années 1980 et les restaurations intervenues dans le cadre du Grand Louvre sous Mitterrand.
Le schéma directeur de sécurité lancé en 2022 vise quant à lui à doubler le nombre de caméras, moderniser les accès par badge, créer un système d’hypervision, et renforcer la vidéosurveillance périmétrique. Le jour du casse, les caméras positionnées à l’extérieur du Louvre du côté de la galerie d’Apollon pointaient vers l’Ouest et ne couvraient pas le balcon concerné par l’effraction.
Le plan Louvre Nouvelle Renaissance, présenté en janvier dernier par le président de la République, prévoit 80 millions d’euros d’investissements pour la rénovation globale du musée. Dont la première phase interviendra au premier semestre 2026. Trop tard ? La présidente du musée souligne que “134 caméras numériques ont été installées entre 2022-2025 » dans les salles d’exposition en complément ou en remplacement de celles analogiques et que “69 nouvelles” sont prévues sur les deux prochaines années.
Une lenteur administrative et procédurière…
Le respect du code des marchés publics auquel est soumis le Louvre n’a pas facilité sa mise à niveau en termes d’équipements, tout en empêchant des anticipations de budget à long terme. De même, le système de sécurité n’est plus adapté aux nouveaux modes opératoires. Aux traditionnelles attaques des vitrines par balles par exemple, ont succédé les revendications d’activistes environnementaux usant de peintures et de soupes pour endommager les tableaux. De plus, la protection des métaux et pierres précieuses n’a pas été pensée comme dans les bijouteries qui font face au grand banditisme.
Entre le sous-investissement chronique (200 millions d’euros en moins pour la culture en 2026), des installations qui ont surperformé pendant des décennies, sans oublier les aller-retours d’une note confidentielle en janvier 2025 entre l’Elysée et la rue de Valois, la gestion du Louvre interroge. Le sénateur Max Brisson exhorte même la présidente à “établir la chaine des responsabilités”, craignant que notre pays soit devenu “le champion de la défausse”.
« Pourquoi attendre le drame, alors que les failles étaient identifiées ? »
La présidente des Cars a défendu le recours à une supervision des systèmes de sureté par une entité extérieure au musée, ce qui témoigne d’une volonté de perfectionnement et d’une forme d’intégrité. Néanmoins, les recommandations du rapport de la préfecture de Police n’ont été étudiées qu’au lendemain de ce cambriolage, pour un document rendu à l’été 2025…
« Pourquoi attendre le drame, alors que les failles étaient identifiées ? » C’est la question que se pose la sénatrice LR Sabine Drexler. Face à la brutalisation de notre société qui se reflète désormais jusque dans les institutions culturelles, le Louvre et le ministère de tutelle envisagent “la création d’un commissariat au sein du musée”. En dix ans, ses effectifs de sécurité n’ont cessé de chuter, avant un léger regain de 5,5 % depuis 2022 (passant de 747 à 788 ETP). Malgré ces chiffres, la dotation publique au Louvre diminue depuis 2024 et la charge de service public ne permet plus d’assurer une sécurisation optimale de ce « musée-ville », qui accueille chaque jour 30 000 visiteurs et 2 300 agents.
Si le Louvre a rouvert ses portes ce mercredi matin, le cambriolage interroge sur la manière de protéger notre patrimoine commun sans le soustraire au regard du public. Et surtout à quel prix ?

