Défait par la socialiste Nathalie Chabanne aux dernières législatives, François Bayrou aura signé un retour fulgurant sur ses terres béarnaises avec la conquête de la mairie de Pau. En totalisant 62,95 % des suffrages, sa liste a devancé celle du socialiste David Habib (37,05 %). Elle est arrivée en tête dans tous les bureaux de vote de la ville, même les quartiers populaires. Le président du Modem avait trébuché en fin de parcours lors de son précédent rendez-vous avec les électeurs palois, en 2008. Son duel avec la candidate officielle du PS, Martine Lignières-Cassou (qui ne s’est pas représentée cette année) avait été perturbé au deuxième tour par la présence de la liste du maire sortant, Yves Urieta, un dissident socialiste soutenu par l’UMP et par Nicolas Sarkozy en personne. Les rapports entre François Bayrou et le président élu en 2017 étaient exécrables. Ce dernier ne pardonnait pas au leader centriste de n’avoir pas rallié son camp, alors même qu’il n’avait pas rejoint – après avoir totalisé 18,57 % des voix au premier tour – celui de Ségolène Royal qui, à l’époque l’en pressait. Au point d’avoir sonné un soir à sa porte entre les deux tours… Cavalier seul au centre, lâché par nombre de ses amis, critique violent de la politique menée tout au long du quinquennat sarkozyste, François Bayrou n’était pas revenu à de meilleurs sentiments lors de sa troisième tentative présidentielle, en 2012. Franchissant un degré de plus dans l’opposition à Nicolas Sarkozy, il avait même annoncé à la veille du deuxième tour qu’il voterait “à titre personnel” pour François Hollande.
Ce soutien partiel avait eu pour effet de courroucer – et c’est peu dire – l’UMP mais aussi, paradoxalement, l’appareil socialiste qui entreprit alors tout ce qui était en son pouvoir pour le priver de son mandat de député. Une fois installé à l’Elysée, François Hollande, pour sa part, resta sourd aux appels du président du Modem à dépasser le clivage gauche-droite. Si bien que celui-ci gardait les mains libres, à quelques mois du scrutin de cette année, pour un troisième assaut – il s’était présenté pour la première fois contre André Labarrère en 1989 – contre la municipalité socialiste de Pau. Prudent, il ne s’est pas d’emblée déclaré candidat, se contentant d’animer dans un premier temps des “groupes de travail” centrés sur les principales préoccupations de ses concitoyens. Pendant ce temps-là, l’UMP cherchait le meilleur candidat et le PS croyait l’avoir trouvé, la maire sortante choisissant de se retirer, en la personne de David Habib, le brillant député-maire de la contrée voisine de Mourenx, au coeur du complexe pétro-chimique de Lacq. Ainsi se profilait la perspective d’une relève interne au sein du camp socialiste et le risque, pour la droite, de voir celui-ci garder la mairie qu’il détenait sans interruption depuis 42 ans. Ce péril a fini par décider l’UMP à soutenir la “solution Bayrou” et l’appui d’Alain Juppé en ce sens fut décisif, en dépit des fortes préventions et des déclarations peu amènes de Jean-François Copé. Curieusement, comme cela arrive parfois en politique, le slogan des socialistes – “Bayrou a toujours été de droite” – a fini de décider l’électorat modéré auquel il n’était pas destiné. L’équipe Bayrou a donc pu se constituer, les représentants de l’UMP rejoignant les centristes de toujours, et s’enrichissant au passage de déçus de la municipalité sortante. La réconciliation publique, au plan national, entre Jean-Louis Borloo et François Bayrou, a fait le reste.
L’un des espoirs les plus prometteurs de la politique dans le Sud-Ouest, Thibault Chenevière, ancien du service de presse de l’Elysée sous Jacques Chirac et président du parti radical des Pyrénées-Atlantiques, s’est engagé à fond dans la campagne. Aujourd’hui adjoint au maire de Pau, il confie : “Les Palois se sont aperçus courant janvier que François Bayrou était complètement investi dans cette élection et qu’il menait une vraie campagne de terrain. Petit à petit s’est imposée l’idée qu’il était l’homme qui pouvait relever la ville. Il y a eu une vraie montée en puissance et nous avons au final ratissé dans tous les camps. La venue de Manuel Valls pour soutenir la liste de David Habib s’est révélée contre-productive car il y avait ce soir-là 18 cars de CRS dans la ville ! ”
Beau joueur, le député David Habib a pris acte de sa défaite avec beaucoup d’élégance, décidant désormais d’incarner l’opposition au sein du Conseil municipal. Il a été victime de la pugnacité retrouvée de François Bayrou. Mais aussi du contexte national.
Par François Domec