La confĆ©rence de presse de FranƧois Hollande a laissĆ© penser Ć une entrĆ©e en campagne. Tout, y compris la rĆ©fĆ©rence Ć un abstrait Ā«Ā jugement de l’HistoireĀ Ā», indiquait le dĆ©sir, Ć moins de deux ans de l’Ć©chĆ©ance, de tenter le pari risquĆ© d’une nouvelle candidature. Ainsi a-t-on pu discerner sur quels sujets et par quelles approches le titulaire de la magistrature suprĆŖme entendra bientĆ“t se distinguer de ses challengers. TrĆØs rĆ©vĆ©lateur fut, sur ce point, Ā«Ā l’oubliĀ Ā» de l’Europe. Pourquoi en parler alors qu’elle ne fait plus recette Ć©lectoralementĀ ? Elle continue pourtant Ć dĆ©terminer une large part de nos politiques et Ć peser trĆØs lourd sur nos comptes publics, donc sur le dĆ©ficit budgĆ©taire. Mais nos compatriotes, avec un certain bon sens, semblent de plus en plus nombreux Ć considĆ©rer qu’elle apporte plus de coĆ»ts que d’avantages. En son sein, onze pays forment la zone monĆ©taire de l’euro mais le Ā«Ā saut fĆ©dĆ©ralĀ Ā» que les auteurs du traitĆ© de Maastricht espĆ©raient lui voir provoquer est restĆ© dans les limbes. Il serait temps de regarder de prĆØs, par une analyse structurelle, ce qui peut ĆŖtre sauvĆ© et ce qui ne pourra plus l’ĆŖtre de cette grande idĆ©e.
Une impuissance congĆ©nitale Ć organiser un effort militaire commun alors que seule une Ā«Ā puissance europĆ©enneĀ Ā» serait de nature Ć enrayer la montĆ©e des pĆ©rils au Proche-Orient. Des choix minimaux et opĆ©rĆ©s dans l’urgence sur la question des rĆ©fugiĆ©s, renvoyant Ć des quotas Ć©troitement nationaux. Pas d’harmonisation fiscale et, au contraire, une concurrence et un dumping effrĆ©nĆ© entre pays europĆ©ens dans l’accueil des siĆØges sociaux et des riches contribuables. Une parfaite imprĆ©voyance des dĆ©sordres engendrĆ©s sur les marchĆ©s agricoles par la politique de sanctions vis-Ć -vis de la Russie… Ajoutons Ć ce paysage dĆ©solĆ© l’impression qu’aucun mĆ©tĆ©orologue de Bruxelles et de Francfort ne paraĆ®t scruter notre ciel. Pourtant, les gros nuages provoquĆ©s par les politiques monĆ©taires des Etats-Unis et de la Chine annoncent des orages financiers menaƧant des Ć©conomies europĆ©ennes disparates et mal protĆ©gĆ©es.
Selon un protocole et un dĆ©corum dĆ©jĆ ancien, il y avait bien deux drapeaux encadrant le pupitre du chef de l’Etat dans la salle des fĆŖtes de l’ElysĆ©e le lundi 7Ā septembreĀ : le franƧais et l’europĆ©en. Utile rappel symbolique. Car s’il a bien Ć©tĆ© question de la France ā pouvait-il en aller autrementĀ ? – l’Europe a Ć©tĆ© Ć©trangement absente des propos d’un homme qui fut naguĆØre un europĆ©en ardent. On comprend que FranƧois Hollande, qui est loin d’ĆŖtre l’unique responsable de l’actuel gĆ¢chis, ne veuille pas assumer la signature d’un tableau collectif peu flatteur. Mais peut-on sĆ©rieusement faire comme si l’Europe n’existait plus alors que la mondialisation exige de plus en plus d’ouvertures et d’alliancesĀ ? Au train oĆ¹ vont les choses, les seuls qui en parleront lors de la prochaine prĆ©sidentielle seront Marine Le Pen et ses amis. Ils engrangeront des suffrages avec une dialectique courte mais Ć©prouvĆ©e consistant Ć proposer une fois de plus de jeter le bĆ©bĆ© avec l’eau du bain.