« Les Régions sont des espaces de démocratie et de projets »
Ce sont les lois Defferre qui impulsent le mouvement de décentralisation en France, comme le rappelle le ministre, citant le législateur : « les communes, les départements et les régions s’administrent librement par des conseils élus et leurs délibérations sont exécutoires de plein droit ». La naissance des régions, en 1986, représente la « date de l’enracinement » de la décentralisation. Aujourd’hui, elles ont acquis un pouvoir et un poids bien plus accru qu’il y a 30 ans. Entre « rôle stratégique » et véritable budget, Jean-Yves Le Drian est plutôt optimiste. Pour lui, elles sont « des espaces de démocratie et de projets ».
Cependant, on peut se questionner sur le véritable intérêt des régions et l’impact de leurs décisions sur les citoyens. Le ministre rappelle que les Länder allemands et les autonomies espagnoles possèdent un budget plus conséquent et davantage de responsabilités. L’autre critique faite aux régions est le millefeuille institutionnel qu’elles engendrent. Selon Jean-Yves Le Drian, « notre paysage institutionnel demeure trop peu lisible pour nos concitoyens ». Les conséquences sont une impression « d’impuissance de l’action publique ». Le président de la région Bretagne regrette aussi que de réels bouleversements de modèle n’aient pas eu lieu.
« Un bel âge, conciliant la fougue de la jeunesse avec les premières sagesses de l’expérience » : c’est ainsi que le président du Conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian, a donné le coup d’envoi au colloque.
Les Régions pour « innerver les territoires »
Côté développement économique, les régions seraient « le bon échelon pour arriver à tirer et innerver les territoires » selon Fabrice Lenglart, commissaire général adjoint de France Stratégie. Les régions doivent assurer l’égalité des chances du point de vue territorial, ce qui n’est pas encore le cas selon une étude de France Stratégie. Un tiers des enfants d’ouvriers auraient la possibilité de devenir cadres en Bretagne, contre un enfant sur dix en Poitou-Charentes.
Pour Éric Giuily, ancien conseiller de Gaston Defferre, le père de la décentralisation, les métropoles et les intercommunalités sont l’avenir de la région. Le problème des départements se pose alors. Selon lui, ils pourraient être réduits significativement : « Il n’y a rien dans ce que font les départements qui ne peut être fait par les communes ou les régions ». D’après François Cuillandre, président de Brest Métropole, les métropoles, contrairement aux idées reçues, n’aspirent pas toutes les richesses, mais tirent l’ensemble de leur région vers le haut. En effet, il rappelle que « les métropoles concentrent les richesses, mais aussi les pauvretés ».
La crise démocratique des Régions
Les citoyens auraient de moins en moins confiance en leur région. C’est ce qu’explique Alistair Cole, professeur de Sciences politiques à Sciences-Po Lyon, se fondant sur une étude réalisée en octobre 2016 à laquelle il a participé. Selon elle, moins d’un Français sur deux se dit satisfait de l’état de la démocratie dans sa région. 52% des Français expriment un manque de confiance dans leur région pour ce qui concerne le développement du territoire. En revanche, ils se fient en priorité à leur ville, puis au gouvernement central, à la région, suivie du département et de l’Union européenne.
Pour Charles-Éric Lemaignen, président de l’Assemblée des communautés de France, cela montre bien qu’il faut « réinventer des échelons de démocratie participative », car ce manque de confiance est lié à une carence de transparence qui rend incompréhensible aux citoyens le millefeuille territorial. Selon Laurence Lemouzy, directrice de la revue Pouvoirs locaux, il faut mettre fin à « la culture de la décentralisation sous la forme d’une sous-traitance ». Sa proposition serait de mettre en place un parlementarisme régional afin de redonner un réel pouvoir aux régions.
Photo en une : Jean-Yves Le Drian lors de son allocution / © Thomas Brégardis – CRB.