Les espaces de coworking (cotravail en français) prolifèrent dans l’Hexagone. Selon le groupe Bureaux à partager (BAP), ils étaient 600 en 2017 ; leur nombre a été multiplié par dix en cinq ans. Entre gain de temps, d’argent, confort du lieu et solidarité, les bénéfices que peuvent entrevoir les coworkers sont nombreux. Si l’entreprenariat s’apparente souvent au libéralisme, au sens philosophique, voire à l’individualisme, un nouveau lien social semble émerger de la progression de ces activités collaboratives.
Un bilan des bénéfices
Le premier bénéfice des espaces de coworking réside dans la réduction des coûts. Une jeune entreprise au faible chiffre d’affaires, ou une autre dont l’effectif demeure variable, font souvent face à ces problèmes de locaux ; le bail français 3-6-9 reste notamment très rigide. L’évolution d’une start-up peut pourtant s’avérer rapide, et ses besoins pour les années à venir sont alors difficilement mesurables.
C’est le constat d’Aurélien Leleux, qui a fondé Co-Start avec Sarah Akel. À la sortie d’un incubateur au sein duquel ils ont travaillé pendant deux ans sur leur start-up « StudAnt » (agenda collaboratif entre étudiants), et cherchant des bureaux pour s’installer avec leurs stagiaires, ils ont préféré ouvrir leur propre espace collaboratif au cœur de Paris, entre République et Belleville. Selon Aurélien, le coworking représente la possibilité de « grandir de manière plus souple et flexible. »
Les loyers de Co-Start, moins élevés que la moyenne et sans engagement, attirent massivement les jeunes entrepreneurs. Aurélien et Sarah tendent à proposer une alternative à l’isolation de l’entreprenariat, reproduire une ambiance d’entraide entre pairs au même stade de leurs activités, afin de « créer un d’esprit d’équipe, et donc d’entreprise ». Les coworkers profitent d’un lieu spacieux mais de proximité, avec ses outils (imprimante, cuisine, canapé, salle de réunion), dans lequel ils peuvent faire des rencontres ou les organiser, sans se préoccuper de la gestion de l’espace (charges, internet, etc.). En résumé, il semble que l’agréabilité des conditions de travail soit à louer.
S’affranchir des contraintes
À l’ère de l’entreprenariat, l’ambition d’Aurélien et Sarah ne réside pas dans une volonté de révolutionner le monde du travail, mais bien de le suivre : « Il change de toute façon. Notre objectif est plutôt de l’accompagner, notamment par les fonctions Ressources Humaines des entreprises, premières impactées pas ces transformations. »
Bousculer les traditions, c’est aussi l’envie de Ludovic Adel. Après six années de travail pour la filiale française d’une entreprise américaine de grande consommation et plusieurs métiers liés au marketing commercial, il a pris le chemin de l’entreprenariat. Plusieurs idées et projets avortés l’ont finalement mené à concrétiser une plateforme communautaire dédiée aux parieurs sportifs.
Il explique qu’« un besoin d’orientations différentes » l’a conduit vers le cotravail. Selon lui, une entreprise, surtout lorsqu’elle est importante, peut brider les salariés. Avec un périmètre d’actions bien défini ainsi qu’un impact financier difficilement palpable, il se sentait mis à distance du fonctionnement de la société. Mais le profil de Ludovic n’est finalement plus si atypique dans les open space français. De plus en plus d’actifs souhaitent se libérer de la lourdeur des contraintes que peut engendrer le travail au sein d’une grande entreprise, pour « ne plus s’arrêter à l’idée, mais l’exécuter. »
Un lien social retrouvé ?
« Le problème, quand tu es salarié depuis un certain temps, est que tout ton réseau professionnel se restreint aux personnes issues du même secteur d’activité que le tien. Ici, tu rencontres des gens venant d’un domaine complètement éloigné ; ces échanges et les synergies alors trouvées te font grandir » raconte Ludovic. Enchaînant les bonnes rencontres, il a même pu intervenir en école d’informatique autour d’un module marketing. Ainsi, au-delà de supprimer l’isolation, le cotravail favorise la mutualisation. Les parcours et les univers se croisent, pour aboutir sur un partage de qualifications, comme de disciplines.
Alors à Co-Start, les tables sont déplacées pour des déjeuners communs (présentation des nouveaux, annonces spéciales), des formations d’une heure sur des sujets précis (SEO, social media) s’organisent, tout le monde participe à quelques heures de démarches pour une start-up précise, les apéros se multiplient (pour fêter un départ ou juste la fin de semaine), etc. Chacun donne de son temps pour participer à ces animations, tout en gérant son agenda, car une rémunération découle rarement de cette collaboration. La concentration sur son projet personnel doit donc rester primordiale.
Un autoentrepreneur prône l’affranchissement des limites du travail au sein d’une grande entreprise pour évoluer seul. Mais en se tournant vers les espaces de coworking, il capitalise sur la coopération, l’entraide, voire la collectivité. Cette notion renforce alors inconsciemment une forme de socialisme au travail. Cependant, comme Ludovic l’explique : « Ce type de coworking collaboratif ne représente qu’une étape de notre activité, catalysant notre expérience pour la suite. » Ainsi, cette culture de l’économie sociale paraît encore éphémère.
Crédit image à la une : Co-Start.