La fixation des dates (20 et 27 novembre) donne un caractère un peu plus tangible à la perspective des primaires de la droite, selon une méthode jusqu’à présent utilisée par…le camp d’en face !
Orpheline de François Mitterrand et déconfite par l’élimination de Lionel Jospin la fois précédente, la gauche a trouvé dans le concept de « primaires » une occasion de faire de nécessité vertu à la veille du rendez-vous présidentiel de 2007. Au terme d’un jeu fermé à l’excès et empoisonné par les sondages, Ségolène Royal fut préférée à Dominique Strauss-Kahn et à Laurent Fabius. L’échec de la candidate a eu pour conséquence un perfectionnement du système. Un peu plus ouvert et assaisonné de quelques épices médiatico-juridiques, il a permis une compétition entre six « pré-candidats » devant près trois millions d’électeurs et, au final, la désignation de François Hollande en 2011. La réussite de celui-ci quelques mois plus tard lors de l’étape ultime, son élection par la majorité des électeurs français, n’a pu ensuite que militer en faveur des avantages de cette méthode. Au point que certaines personnalités de gauche vont même jusqu’à proposer d’associer le président sortant à un nouveau processus de tri sélectif. Ce qui ressemble un peu, ne nous y trompons pas, à une tentative de le mettre au rebut, ou tout au moins d’instruire son procès.
Ces « primaires à la française » que la gauche et, aujourd’hui, la droite habillent sans doute de trop de vertus présentent tout de même un grave inconvénient. Celui de méconnaître le statut du sortant, qu’il soit en poste – François Hollande – ou soumis à un « bilan de compétence » pour avoir exercé la fonction lors du quinquennat précédent, tel Nicolas Sarkozy. Pour l’un comme pour l’autre, concourir à des primaires, c’est risquer une mise en accusation sévère. Leurs concurrents ne peuvent laisser passer l’occasion d’acquérir une forte visibilité personnelle en jouant les procureurs intraitables. On imagine donc mal François Hollande mis sur la sellette par ses « amis », devenus des rivaux, pendant plusieurs soirées télévisées. Il pourrait éventuellement essayer de faire semblant de se trouver sur un pied d’égalité avec les autres. Mais son emploi du temps et la parole forcément contrainte d’un chef d’Etat, surtout dans les périodes où l’actualité ne permet pas de voir son autorité amoindrie, rappelleraient vite à tout le monde la singularité de sa situation.
Une semblable difficulté surgira peu ou prou à droite. Nicolas Sarkozy a exercé la fonction de chef de l’Etat. Il a eu sous ses ordres deux de ses principaux rivaux d’aujourd’hui, François Fillon et Alain Juppé. Ils lui ont obéi du premier au dernier jour de son quinquennat, exerçant les deux fonctions les plus en osmose avec celles de président de la République : à la tête du gouvernement pour le premier, de la diplomatie française pour le second. Tous les trois pourront bien sûr chanter d’un même choeur que le passé ne les intéresse plus et que seul l’avenir les passionne. Le danger d’un procès de « l’ère Sarkozy », par ceux qui en furent à la fois acteurs et témoins, n’en sera pas moins réel pour celui qui restera susceptible d’en être l’objet. Il pourra toujours leur dire : « Mais puisque j’étais aussi nul, pourquoi n’avez-vous pas démissionné ? ». Cela n’en ressemblera pas moins à un déballage…