François Bayrou va devoir « conduire et déterminer la politique de la nation » au terme de la Constitution. Il aurait pu rêver, pour mener cette tâche à bien, d’un contexte moins apocalyptique. Résumons à gros traits. Pas de budget de l’Etat ni de plan de financement de la Sécurité sociale, une note financière dégradée, des sondages catastrophiques, plus de trois cent plans sociaux annoncés sur le territoire et un département français, le 101ème, dévasté en presque totalité par un cyclone. Ajoutons une Assemblée nationale ravagée par l’infantilisme, un Emmanuel Macron « sens dessus dessous » ( titre de « L’Express »), un allié allemand en crise, un futur président américain au mental imprévisible, la guerre en Europe, le Proche-Orient sur une poudrière et la France chassée d’Afrique.
Face à un tel tableau, le nouveau Premier ministre a sans doute eu raison de s’exclamer « Enfin les ennuis commencent », citant ainsi François Mitterrand parvenant au pouvoir en 1981 après une très longue traversée du désert. François Bayrou fait incontestablement partie de ces hommes de caractère que l’on appelle aux responsabilités lorsque les crises deviennent paroxystiques. Ils sont ensuite immanquablement congédiés dès que les choses s’arrangent. A l’évidence, ce n’est pas dans un tel scénario que le nouveau locataire de Matignon souhaite s’inscrire. Ses chances de longévité à Matignon, quoi qu’en pense le bataillon des ricaneurs irresponsables du village politique, ne sont d’ailleurs pas minces. Elles tiennent toutes entières dans la prise en compte par les Français du sérieux de la situation, ce qui suppose un « narratif » adapté.
Nos compatriotes – c’est-à-dire nous-mêmes – ne sont pas fait du même bois que les Anglais, par exemple, écoutant sans broncher Churchill leur promettant « du sang et des larmes ». Ce n’est surtout pas le type de discours que les Français veulent entendre en ce moment, toutes les études d’opinion montrant que nos concitoyens attendent avant tout d’un gouvernement une amélioration de… leur pouvoir d’achat !
Profondément croyant, même s’il n’en fait pas des tonnes à ce sujet, François Bayrou n’a pas pour autant la vocation du martyr. Il réussira ou s’en ira mais pas sans avoir tenté de soulager les misères créées par une bêtise (la dissolution) suivie par une inconséquence ( l’association du Front National et du Nouveau Front Populaire). Pour l’heure, la page est blanche. Il n’y a plus qu’à l’écrire avec des mots et des raisonnements d’adulte.