Après le premier tour de la primaire gérée par le Parti socialiste, les controverses sur la participation ne changeront rien au constat. « L’effet guillotine » s’est une nouvelle fois vérifié, avec d’autant plus de cruauté que le scrutin avait lieu le 22 janvier au lendemain du jour anniversaire de l’exécution de Louis XVI. Des têtes ont, symboliquement, roulé dans le panier. Notamment celles d’Arnaud Montebourg et de Vincent Peillon, dont les supporters – par mimétisme robespierriste – se vengeront en faisant battre Manuel Valls. Lequel, en dépit de sa qualification en finale, est menacé de reprendre le rôle tenu à droite par Alain Juppé dans la charrette de novembre qui emporta en premier, à tout seigneur tout honneur, Nicolas Sarkozy. Etrange parallélisme. Car François Hollande aura été aussi, annonçant le sort de son deuxième Premier ministre, une victime préalable de ces « primaires ». Voyant scintiller la lame du couperet au soleil crépusculaire de son mandat, il a préféré trancher lui-même !
On ne répétera jamais assez que la pratique des élections primaires reste encore en France, pour l’essentiel, une expérience de laboratoire. Elle demeure susceptible de déboucher sur des phénomènes surprenants et encore mal connus. Après avoir ressemblé pendant des années à une vue de l’esprit ou à une hypothèse pour colloques mondains, la formule s’est maintenant imposée chez les néo-gaullistes et leurs alliés ainsi qu’au sein de la famille socialiste élargie aux radicaux et à certains écologistes. Nécessité paraît faire loi, en effet, quand un fort bloc électoral d’extrême-droite susceptible d’être représenté au second tour de la présidentielle vient aujourd’hui empêcher le premier de « trier les ambitions » dans les partis dits « de gouvernement ». Autrement dit, l’irruption durable de l’extrême-droite isolée est venue perturber la tranquillité de nos alternances. Lesquelles pourront encore plus se compliquer dans le futur si l’extrême-gauche de Jean-Luc Mélenchon parvient aussi à prospérer sans nouer d’alliance.
L’instauration de nouvelles coutumes inspirées du système américain – alors même que celui-ci est à bout de souffle – porte donc déjà des enseignements. Notamment la leçon que l’on pourrait ainsi résumer : pour gagner à droite, mieux vaut être bien à droite (preuve par François Fillion) ; pour s’imposer à gauche, il faut être très à gauche (démonstration, en cours, par Benoît Hamon). Cela paraît logique mais ce n’est peut-être pas conséquent. Lors de « la vraie présidentielle », en effet, le candidat le plus arc-bouté sur les idées de son camp ne sera pas forcément celui qui gagnera. Au deuxième tour, au moment du vote final, c’est un lieu commun de le rappeler, il convient de réunir sur son nom la moitié des suffrages exprimés plus une voix. Le fauteuil élyséen s’obtient par un savant dosage de force de conviction et d’esprit d’ouverture. « La France doit être gouvernée au centre » disait en 1981 Valery Giscard d’Estaing sans bien se rendre compte que son rival François Mitterrand pensait parvenir au même résultat par l’addition des clientèles. Le champion du « programme commun » préparait ni vu ni connu, en effet, un singulier précipité alchimique de communisme et de social-démocratie nappé d’une couche de gauche caviar et de quelques arômes tirés des vieux flacons de la Résistance comme de la collaboration. Ce précédent historique semble inspirer un Emmanuel Macron rêvant visiblement d’ajouter quelques pages à sa gloire dans l’éternel récit national de nos espérances, ambiguïtés et contradictions.
Photo en une : Benoît Hamon / © Vernier – JBV NEWS.